Les cinq jeunes arrêtés lundi soir à l'extérieur d'un local loué par les grévistes non loin de l'UQAM sont victimes d'intimidation policière, selon leur avocat, Denis Poitras. Une quarantaine de jeunes venus assister à leur comparution en guise de solidarité, ce matin, au palais de justice de Montréal, vont plus loin. Ils dénoncent le «profilage politique» dans le contexte de la grève étudiante.

«Les policiers y sont allés fort. J'y vois de l'intimidation à la suite des événements de la semaine dernière (étudiant blessé à un oeil durant une manifestation au centre-ville) et un avertissement pour décourager les gens de manifester à la veille de la manifestation annuelle contre la brutalité policière (tous les 15 mars)», a expliqué Me Poitras à La Presse.

Elsa Côté-Lambert, Marianita Hamel, Yan Bilodeau, Nicolas Lépine et Ivan Bricka sont accusés d'entrave au travail des policiers et d'intimidation à l'encontre d'une personne associée au système judiciaire. Ils sont âgés de 24 à 27 ans. Les deux jeunes femmes sont aussi inculpées de voies de fait commis à l'endroit d'un policier.

Ces jeunes se trouvaient dans un local loué par les grévistes de l'UQAM, situé sur le boulevard de Maisonneuve, non loin de l'université, lundi soir. Il était passé minuit lorsque certains sont sortis pour fumer une cigarette devant le local. L'un d'eux avait une bière à la main.

«Les policiers ont fait des rondes devant le local durant la soirée. Ils les ont observés pendant des heures. Il n'y avait rien de menaçant là-dedans. Ils se sont servis de la bière consommée sur la voie publique comme prétexte d'intervention. Un certain brouhaha s'en est suivi», raconte Me Poitras.

Les accusations criminelles sont «nettement exagérées», affirme l'avocat. L'accusation d'intimidation à l'encontre d'une personne associée au système judiciaire est rarement utilisée, explique-t-il. Cette loi a été créée pour lutter contre les Hells Angels à la suite de la tentative de meurtre contre le journaliste Michel Auger en 2000.

Ce n'est pas l'avis du procureur de la Couronne au dossier, Me Jérôme Gagné. «Cet article de loi est de plus en plus utilisé. On n'est pas dans un contexte de manifestation étudiante qui se déroulait en plein jour. On parle d'un événement qui se déroule la nuit lors duquel les policiers se sont sentis menacés au point d'utiliser du gaz poivre et des bâtons télescopiques» précise le procureur de la Couronne.

Selon la poursuite, deux policiers sont bel et bien intervenus au départ parce que l'un des jeunes consommait une cannette de bière sur la voie publique. Un policier lui a dit de la jeter. Or, un autre jeune présent se serait mis à les injurier. La situation a dégénéré. «Des individus ont encerclé la policière et l'ont bousculée, alors que son confrère était plus loin en train d'interpeller un autre individu», résume le procureur.

Une quarantaine de jeunes se sont déplacés pour manifester leur solidarité envers les accusés, ce matin, au palais de justice. Il y avait beaucoup plus de constables spéciaux qu'à l'habitude pour surveiller cette salle d'audience bondée.

«Depuis le début de la grève, les policiers sont intolérants. Ils sont beaucoup plus agressifs qu'en 2005 (dernière grande grève étudiante). Cela arrive tous les jours que des gens boivent de la bière sur la voie publique, ils auraient pu intervenir différemment», lance Maxime, l'un des jeunes venus en appui aux accusés.

À la suite des arrestations, les policiers ont mené une perquisition avec un chien renifleur durant laquelle ils ont saisi des «tracts» et photographié leur tableau indiquant les manifestations à venir, selon des jeunes présents. «C'est clairement du profilage politique», dénonce Justine Rouse, étudiante en histoire à l'UQAM.

«Chaque fois qu'on dénonce la répression, on se fait davantage réprimer», ajoute Vanessa, aussi étudiante à l'UQAM, l'air découragée. «Moi, je n'avais pas l'intention de participer à la manifestation contre la brutalité policière (de demain), mais avec ce qui vient de se passer, j'ai changé d'idées. Je vais faire garder ma fille par exemple, parce que les policiers me font peur», lance Geneviève Simon, une autre jeune femme venue assister à la comparution.

Le juge Denis Lavergne a imposé de sévères conditions de liberté provisoire aux cinq accusés. Ils devront respecter un couvre-feu de 22h à 7h. Ils n'ont plus le droit de se trouver dans un grand quadrilatère délimité par les rues Sherbrooke, Notre-Dame, Saint-Laurent et Papineau sauf pour se rendre à l'UQAM dans le cadre de leurs études ou leur travail. C'est qu'ils sont en majorité étudiants au baccalauréat ou à la maîtrise. L'un d'eux y travaille comme assistant de recherche.

Il leur est aussi interdit de consommer de l'alcool et de la drogue. Ils doivent revenir en cour le 24 avril pour la suite du processus judiciaire.