Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, portera plainte personnellement au Conseil de la magistrature contre le juge président de la cour municipale de Laval, qui a écopé d'un dossier criminel hier en avouant avoir conduit son véhicule alors que son taux d'alcoolémie était le double de la limite permise.



Selon nos informations, le ministre a décidé de porter plainte pour être certain que le Conseil soit saisi du dossier, car l'organisme ne peut agir sans avoir reçu de plainte formelle d'un citoyen contre un magistrat.

Ce sera ensuite à un comité de juges de décider des conséquences sur la carrière de leur collègue.

Collision évitée de peu

Le juge Yves Fournier, 61 ans, avait été arrêté le 13 décembre dernier à Alma, après être passé près de percuter une voiture de patrouille de la Sûreté du Québec.

Selon ce qu'a expliqué la procureure de la Couronne, Me Amélie Gilbert, vers 22 h 15, son véhicule aurait dévié de sa voie pour se retrouver en sens inverse sur l'avenue du Pont Sud.

Les policiers qui arrivaient en sens contraire ont été forcés de faire une manoeuvre d'évitement pour empêcher une collision frontale.

Les agents ont fait demi-tour pour suivre le véhicule à la conduite imprévisible et ont remarqué que son coffre était ouvert.

Ils ont intercepté le conducteur et constaté qu'il avait les yeux rouges, qu'il dégageait une odeur d'alcool et que ses mouvements étaient lents. Du côté passager, les policiers ont découvert une bouteille entamée de 1,5 litre de Martini.

Ils ont fait passer un test d'alcoolémie au juge Fournier, qui a révélé un taux de 160 mg/100 ml.

«C'est le double tout juste de la limite permise, c'est un facteur qui a été pris en considération», a expliqué

Me Gilbert dans un entretien avec La Presse.

En plaidant coupable hier, le juge Fournier a écopé d'une amende de 2000$ et d'une suspension de son permis de conduire. Son avocat, Me Éric Downs, a souligné que le magistrat reconnaît son erreur, qu'il a plaidé coupable à la première occasion et qu'il n'a aucun antécédent judiciaire.

Longue expérience

En 20 ans de carrière comme juge municipal, Yves Fournier a souvent eu à analyser dans ses jugements la législation en matière de conduite avec facultés affaiblies. «L'affaiblissement [des facultés] n'a pas à être marqué par rapport à la norme. Que l'affaiblissement soit léger ou prononcé, si c'est le cas, alors l'infraction est consommée», a-t-il écrit en 2000.

En 2002, alors qu'une accusée se plaignait d'avoir été détenue injustement par un policier, le juge Fournier lui a donné tort. «La sécurité de la défenderesse tout autant que des utilisateurs des routes était recherchée. Avoir permis à la défenderesse de reprendre son véhicule aurait créé à la fois un danger public et un appui au non-respect de la loi, en facilitant sa violation», avait-il expliqué.

Au bureau du juge en chef adjoint André Perreault, responsable des cours municipales, on précise toutefois qu'il n'est plus dans ses fonctions de juger de causes d'alcool au volant, car la cour municipale de Laval ne traite plus d'affaires criminelles.

- Avec la collaboration de Marc Saint-Hilaire, Le Quotidien