Une simple erreur de frappe d'une répartitrice du Service incendie de Montréal a provoqué le grave cafouillage qui avait retardé l'arrivée des pompiers lors de l'incendie qui avait coûté la vie à deux jeunes femmes, en mars 2011, sur l'avenue Van Horne.

Le coroner Cyrille Delâge a remis mardi son rapport sur l'incendie dans lequel Emmanuelle Leclerc, 21 ans, et Selam Fantaye, 26 ans, sont mortes. Celui-ci déplore que l'automatisation des tâches dans la répartition des appels de détresse ait pris le dessus sur l'expertise humaine. À son avis, les répartiteurs auraient dû constater plus rapidement qu'une erreur s'était produite quand les pompiers de casernes éloignées ont été dépêchés plutôt que ceux qui se trouvaient plus près. «L'exercice du jugement personnel est souvent délaissé au profit des décisions dictées par un ordinateur», déplore-t-il.

L'incendie avait éclaté tôt le 2 mars 2011 en raison d'un court-circuit dans la salle de lavage au sous-sol de l'immeuble de 17 appartements. La majorité des détecteurs de fumée étaient inactifs et seule une «faible alarme» avait prévenu les résidents du danger. Fuyant à travers l'épaisse fumée se dégageant du brasier, des occupants ont réussi à contacter le 911 pour demander l'intervention des pompiers grâce à leurs portables.

Mais voilà, le cellulaire pose encore problème au 911 qui n'est toujours pas en mesure de localiser automatiquement l'origine d'un appel de détresse. Le système informatique du Service incendie de Montréal affiche en effet une adresse fictive lorsqu'une personne appelle depuis son portable, forçant les répartiteurs à entrer manuellement l'adresse.

Cet élément a joué un rôle important le matin du drame. Au moment d'inscrire la véritable adresse de l'immeuble en proie aux flammes, la première répartitrice du Service incendie a accidentellement écrit «25100V» au lieu de «2500».

L'erreur a rapidement été constatée, mais le mal était fait: changer une adresse erronée prend trois étapes. Autant dire une éternité lors d'un appel d'urgence.

Le temps de corriger l'erreur, le système informatique avait donné l'alerte aux mauvaises casernes, situées trop loin du bâtiment en flammes. Un expert évalue que cette erreur a occasionné un délai d'une minute et trente secondes pour l'arrivée de la première unité et de 3 minutes 8 secondes pour les suivantes.

Le plus triste dans cette histoire est que les pompiers des casernes situées les plus près du sinistre avaient été alertés par un deuxième répartiteur, mais celui-ci avait finalement annulé l'alarme en constatant qu'une autre collègue avait déjà sonné l'alarme. Le coroner estime que ce deuxième répartiteur aurait dû constater qu'une erreur avait été commise dans la première alarme et maintenir son alarme.

Le coroner est incapable de dire si le délai a mené directement à la mort d'Emmanuelle Leclerc et de Selam Fantaye. Il souligne toutefois que «le retard encouru lors de la répartition des appels a considérablement réduit les chances de survie des victimes».

Les deux jeunes femmes fuyaient le bâtiment quand elles ont perdu connaissance, intoxiquées par la fumée du brasier. Plusieurs autres sinistrés avaient d'ailleurs reculé devant la dense fumée pour sauter par les fenêtres. Rapidement après avoir pénétré dans l'édifice, les pompiers avaient retrouvé les corps de deux femmes inanimées. Elles avaient été transportées à l'hôpital où la première est morte le soir même tandis que la deuxième est décédée deux jours plus tard.

Le SIM n'a pas commenté le rapport du coroner mardi, disant d'abord vouloir en prendre connaissance. Dans le document, le Service précise toutefois avoir apporté des correctifs à son système informatique depuis pour s'assurer qu'un tel cafouillage ne se reproduise plus.

Montréal doit serrer la vis aux propriétaires

Le coroner Cyrille Delâge recommande à Montréal ainsi qu'à toutes les villes québécoises de serrer la vis aux propriétaires d'immeubles à appartements en les obligeant à munir les salles de lavage et les cases de rangement de gicleurs automatiques. Il s'agit de l'une des principales recommandations dans son rapport sur l'incendie de l'avenue Van Horne, déclenché par un court circuit, qui avait coûté la vie à deux jeunes femmes.

Le coroner recommande également à ce que la Régie du logement du Québec oblige les propriétaires à joindre en annexe au bail une copie du plan d'évacuation de leur immeuble et à fournir un constat sur le bon fonctionnement des détecteurs de fumées des appartements. De plus, les compagnies privées effectuant l'inspection des systèmes de sécurité incendie devraient remettre leur rapport au Service de sécurité incendie lorsque des déficiences sont notées.

Une compagnie, Équipement d'Incendie Priorité, avait inspecté l'immeuble en 2010 et suggéré plusieurs améliorations, mais son rapport avait été remis au propriétaire de l'immeuble, Efrdimis Themis, seulement le lendemain du drame.