Nouveau coup de théâtre dans le renvoi de Léon Mugesera. Le présumé penseur du génocide rwandais vient de décrocher un nouveau sursis grâce à une ordonnance de sauvegarde rendue par la Cour supérieure de Montréal, jeudi. La justice doit déterminer si M. Mugesera peut rester au Canada pendant que le Comité contre la torture se prononce sur son cas. Le gouvernement fédéral se dit «extrêmement déçu».

«C'est un sursis très bref, pour permettre de savoir si le débat concernant l'ordonnance du comité contre la torture a pour effet de surseoir à la déportation de M. Mugesera», explique l'un des avocats de la défense, Philippe Larochelle.

Le bras de fer qui oppose Léon Mugesera à Immigration Canada depuis plus de 15 ans devait se terminer cette semaine, après que la Cour fédérale a refusé de lui accorder un dernier sursis. Mercredi, ni son hospitalisation ni la demande de sursis du Comité contre la torture de l'ONU n'avaient suffi à entamer la détermination du gouvernement à expulser Léon Mugesera, l'un des hommes les plus recherchés du Rwanda.

Mais l'ordonnance de sauvegarde rendue jeudi par le juge William Fraiberg vient brouiller les cartes.

«Les autorités canadiennes, malheureusement, n'ont plus aucun respect pour les droits fondamentaux de ses citoyens et des autres, poursuit M. Larochelle. Le juge Fraiberg dit simplement qu'on doit avoir un débat. Est-ce que l'émission d'une demande de sursis du comité contre la torture fait qu'on ne peut pas renvoyer M. Mugesera?»

Ce nouveau retournement de situation a pris de court le gouvernement fédéral.

«Nous sommes extrêmement déçus de la surprenante décision rendue aujourd'hui et nous examinons nos options juridiques», écrit le porte-parole du ministre de l'Immigration, Michael Patton.

Les autorités sont toujours déterminées à expulser M. Mugesera «le plus tôt possible». «La déportation de cet individu a été ordonnée il y a 15 ans et il a pu profiter du généreux système d'appels du Canada depuis lors», explique M. Patton.

L'opposition officielle, favorable à la demande du Comité, croit que le gouvernement vient de subir un revers dans ce dossier. «C'est important que le gouvernement ne signe pas des conventions internationales s'il ne souhaite pas les respecter», dit Sadia Groguhé, porte-parole du NPD en matière d'immigration.

Hospitalisé mercredi, Léon Mugesera est toujours dans un «état critique», selon sa famille. «Papa est dans un état critique. Nous implorons le Canada de respecter ses obligations internationales», ont écrit ses enfants dans un bref communiqué transmis jeudi aux médias.

Léon Mugesera a obtenu l'asile politique en 1992. Mais les autorités ont fait volte-face trois ans plus tard, en raison de son rôle présumé dans le génocide rwandais.

En 2005, la Cour suprême décide qu'il doit être expulsé vers le Rwanda, mais l'étau ne se resserre autour de luique sept ans plus tard, quand le Canada l'informe qu'il ne court aucun «risque significatif» dans son pays d'origine. Le renvoi est alors prévu pour le 12 janvier.

«Peut-être que M. Mugesera est le pire des génocidaires. Je n'en ai aucune idée. Je ne porte pas de jugement là-dessus, dit son avocat. Le seul point de cette procédure est une question pure de droit international: quel est l'effet d'une demande du comité contre la torture dans l'ordre juridique canadien? Si cela n'a pas d'impact, il faudra nous expliquer pourquoi on gaspille des millions dans des conventions qui ne servent à rien.»