Moins de trois heures après avoir appris que ses filles et sa première femme avaient péri dans l'écluse de Kingston Mills, le 30 septembre 2009, Mohammad Shafia a donné une version des faits confuse à un policier au poste de Kingston, et cela, sans manifester d'émotion.

C'est ce qui était frappant, hier, quand la Couronne a présenté la vidéo de cet interrogatoire au procès de Mohammad Shafia, de sa femme Tooba et de leur fils Hamed, accusés d'avoir tué avec préméditation une femme et quatre filles de leur famille. L'interrogatoire de Mohammad Shafia a été mené l'après-midi du 30 juin 2009 par Geoll Dempster, enquêteur à la police de Kingston. Appelé à la barre, hier, M. Dempster a expliqué qu'il avait été avisé vers midi, ce jour-là, qu'une Nissan contenant des corps avait été trouvée au fond de l'écluse le matin. M. Dempster s'apprêtait à quitter le poste de police pour se rendre sur les lieux quand il a été averti que trois personnes se trouvaient au comptoir pour signaler la disparition d'une Nissan noire et de membres de leur famille : trois soeurs et une tante. M. Dempster est allé les rencontrer. Il s'agissait de Mohammad Shafia, de son fils Hamed et de la mère, Tooba, qui se tenait un peu en retrait. M. Dempster les a amenés dans une salle de «témoins victimes», où il y avait des sofas, et il leur a annoncé la découverte de la Nissan au fond de l'écluse. Hamed traduisait, car ses parents ne comprenaient pas bien l'anglais. M. Dempster a décidé de faire appel à un interprète pour les interrogatoires. À 15h45, M. Dempster a commencé à questionner le père dans une salle d'interrogatoire. Le policier a abordé le sujet avec beaucoup d'égards, se disant désolé de ce qui s'était déroulé. «On les traitait en victimes », a-t-il précisé, hier.

Mohammad Shafia a raconté que les membres de la famille revenaient de 10 jours de vacances à Niagara Falls. Ils étaient partis la veille vers 20 h pour retourner à Montréal. Ils voyageaient dans deux voitures : la Nissan, conduite par Tooba, et une Toyota, dont il ne se souvenait plus bien du modèle, qu'il conduisait lui-même, en alternance avec son fils.

Il a raconté qu'une fois à Kingston, sa femme était trop fatiguée pour continuer. Par téléphone, elle a demandé de trouver un hôtel. Elle a arrêté quelque part, il ne pouvait dire où. Il a trouvé deux chambres au Kingston Motel East, près de l'autoroute 401. Tooba, qui était avec Rona, Zainab, Sahar et Geeti, est allée à l'hôtel. Zainab et Sahar ont demandé les clés pour sortir des effets de la Nissan. Hamed, lui, a décidé de rentrer à Montréal cette nuit-là parce qu'il avait du travail à faire.

Le lendemain matin, à son réveil, Mohammad a constaté que la Nissan avait disparu, ainsi que la femme et les trois jeunes filles. Selon lui, Zainab avait pu prendre la voiture sans permission. Elle n'avait pas de permis, mais elle savait conduire, a-t-il dit.

Lors de cet interrogatoire, M. Shafia s'est décrit comme un homme d'affaires qui était souvent à Dubaï, mais qu'il était en train de déplacer ses affaires ici. Il a signalé qu'il avait acheté un centre commercial de 2 millions de dollars à Laval. Rappelons que les victimes sont Rona, première femme de Mohammad, et les trois filles de ce dernier, Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans.

Le procès se poursuit mardi à Kingston, avec la suite du témoignage du détective Dempster et l'interrogatoire filmé d'Hamed Shafia.