À 2h, le 30 juin 2009, Mohammad Shafia et son fils Ahmed ont loué deux chambres au Kingston Motel East, mais il y a eu de la confusion à propos du nombre de personnes qui les occuperaient.

«Six», ont d'abord convenu le père et le fils.

«Peut-être neuf», a rectifié Ahmed, après une petite discussion avec son père.

C'est entre autres ce que Robert Miller, gérant du Kingston Motel East, a dit, mardi, au procès du couple Shafia et de leur fils, accusés d'avoir tué avec préméditation quatre femmes de leur famille. M. Miller a raconté qu'il dormait la nuit du 30 juin, dans la partie résidence de ce motel de Kingston, en Ontario, lorsqu'il a été réveillé par une sonnette signalant qu'il y avait des clients. Il était 2h. Un homme âgé et un plus jeune voulaient louer deux chambres. Il s'agissait de Mohammad Shafia et de son fils Ahmed.

«Je leur ai demandé s'il y aurait trois personnes dans chaque chambre, et ils m'ont dit oui», a raconté M. Miller, mardi. Il se souvient que les deux hommes voyageaient à bord d'un VUS luxueux, de couleur pâle, probablement gris, qui était garé devant la réception. M. Miller leur a donné les chambres 18 et 19. Ahmed a payé comptant. M. Miller a été surpris de voir le VUS repartir peu de temps après et s'engager sur la route 15, vers le nord. Il croit que le plus jeune des clients, Ahmed, était assis du côté passager. Il n'a pas vu qui conduisait. Le Kingston Motel East est situé au 1488, route 15, à courte distance de l'écluse de Kingston Mills, où les quatre victimes ont été retrouvées quelques heures plus tard.

M. Miller n'est pas retourné au lit immédiatement cette nuit-là. Il a joué aux cartes sur son ordinateur et s'est recouché vers 2h30 ou 2h45. Le VUS n'était toujours pas revenu. D'ailleurs, il n'a jamais revu ce véhicule, a-t-il affirmé.

Le matin, vers 8h30, Mohammad Shafia s'est présenté à la réception, car il voulait faire un interurbain. M. Miller lui a vendu une carte d'appel à 10$ et, à la demande du client, c'est M. Miller lui-même qui a fait l'appel, un numéro ayant pour indicatif régional le 514. Il est tombé sur un message standard de téléphone portable, mais personne n'a répondu.

La femme de ménage du motel, Christine Bolariho, attendait que la famille parte pour nettoyer les chambres. Elle est passée six fois devant les chambres des Shafia, croit-elle. Chaque fois, elle voyait bouger le rideau de la 19, et pouvait percevoir le profil d'un homme âgé (Mohammad Shafia). Il regardait furtivement, avant de refermer le rideau. Vers midi, une camionnette verte s'est garée devant les chambres. C'est Ahmed qui conduisait. Mme Bolariho a parlé un peu avec la femme (Tooba), au sujet des serviettes. Elle a trouvé étrange que personne ne la regarde dans les yeux. «Ils marchaient tête baissée ou en regardant droit devant eux», a-t-elle raconté, mardi. Elle s'est dit qu'il ne s'agissait pas du genre de touristes habituel. Mohammad Shafia a finalement gardé les chambres pour une seconde nuit, ce jour-là. Il a tenté de faire baisser le prix, mais M. Miller a refusé. En contre-interrogatoire, ce dernier a convenu que certaines personnes pouvaient tricher sur le nombre de personnes occupant une chambre, afin de ne pas payer de supplément. Mais ce genre de situation ne se serait produit que deux fois pendant ses deux ans et demi de gérance au Kingston Motel East, affirme M. Miller.

Collision à Montréal

En après-midi, mardi, les jurés ont entendu le premier témoin montréalais, la policière du SPVM Nathalie Ledoux, qui a d'ailleurs témoigné en français. Mme Ledoux a répondu à un appel 911 un peu avant 8h le matin du 30 juin 2009, pour une collision dans le stationnement de l'InterMarché du boulevard Langelier, à Saint-Léonard. Un jeune homme (Ahmed) avait abîmé la partie avant gauche de la Lexus grise de son père, en percutant un parapet de métal jaune. Il a expliqué que l'accident s'était produit lorsqu'il avait fait une manoeuvre pour se garer. La policière a trouvé cela étrange, car le stationnement de 50 à 60 places était pratiquement vide à cette heure matinale. Elle estimait qu'il s'était compliqué la vie pour rien. Il n'y avait cependant pas d'enquête à faire, selon elle, car il n'y avait pas de blessé et pas de dommages hormis ceux de la Lexus. Le jeune homme était calme. Il ne s'inquiétait nullement de ce que son père dirait. Il voulait seulement savoir s'il pouvait faire réparer la voiture rapidement. La policière lui a dit que s'il ne voulait pas faire une réclamation à son assureur, il pouvait la faire réparer.

Le soir, Mme Ledoux a appris de son supérieur que la Lexus était peut-être liée à un autre incident (quadruple noyade), à Kingston. Le lendemain, elle est retournée dans le stationnement pour recueillir les débris de la Lexus, mais il ne restait que de tout petits morceaux.

Un analyste en sciences judiciaires a pu reconstituer en grande partie le phare abîmé de la Lexus avec des pièces trouvées au bord de l'écluse de Kingston Mills, ainsi que dans le coffre du véhicule.

Rappelons que Mohammad Shafia, 58 ans, sa femme Tooba, 41 ans, et leur fils Ahmed, 20 ans, sont accusés d'avoir tué avec préméditation Rona Amir Mohammad, 53 ans, première femme de M. Shafia, ainsi que Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans, filles du couple. Leurs cadavres ont été trouvés le matin du 30 juin 2009, dans une voiture engloutie dans l'écluse de Kingston Mills. Le procès se poursuit aujourd'hui.