Alors qu'Ottawa a lancé cet été une campagne sans précédent pour expulser les immigrants criminalisés du Canada, un membre de gang de rue qui devait être renvoyé en Haïti vient d'obtenir la permission exceptionnelle de rester au Québec en raison des conditions difficiles auxquelles font face les criminels comme lui lorsqu'ils retournent dans leur pays natal.

Watson Saint-Félix, 23 ans, est fiché par la police comme membre des Blood Mafia Family de Montréal-Nord, un gang actif dans le trafic de drogues, les vols et les agressions armées.

Arrivé à Montréal à l'âge de 9 ans, il n'a jamais obtenu sa citoyenneté canadienne. Condamné à trois ans de prison pour vol qualifié, complot et séquestration, il s'est retrouvé interdit de territoire au Canada.

Jusqu'à récemment, il était détenu en attendant son vol vers Haïti. Ses valises étaient même prêtes. Mais le jeune homme a tenté un ultime recours en demandant une «évaluation des risques avant renvoi», procédure par laquelle il pouvait tenter de démontrer qu'il serait en danger dans son pays natal. Ses représentants légaux, Me Stéphane Handfield et son stagiaire Éric Taillefer, ont présenté une montagne de documentation en preuve, dont des rapports montrant que les criminels expulsés sont souvent emprisonnés à leur retour en Haïti. Avec moins d'un mètre carré d'espace par détenu, peu d'hygiène et de soins de santé, les prisons haïtiennes sont des incubateurs de maladies.

Le fonctionnaire responsable a été convaincu et permet donc à Watson Saint-Félix de rester au Canada, en liberté: «Compte tenu des conditions dangereuses dans les centres de détention, l'épidémie de choléra à travers le pays et dans les prisons et le manque d'accès aux soins médicaux pour les détenus, je suis d'avis que cette détention corresponderait à une menace à la vie ou à des traitements cruels et inusités pour le demandeur», écrit le fonctionnaire dans sa décision.

Rien pour plaire au gouvernement conservateur et à son ministre de l'Immigration, Jason Kenney.

«Nous trouvons cela frustrant lorsque les décideurs permettent à des criminels dangereux de marcher en liberté dans nos rues», a dit une porte-parole du ministre, Alexandra Fortier.