Se présentant devant le tribunal comme un simple «vendeur de chars», Nicola Di Marco a pourtant eu un accès privilégié à d'importants membres de la mafia montréalaise tels Agostino Cuntrera et Nick Rizzuto Jr.

L'homme de 42 ans a décrit avec une certaine candeur, hier, son implication dans une maison de jeu illégale à Montréal, égratignant au passage des gens qui n'ont jamais été accusés dans le cadre de l'opération Colisée. Il faut dire que plusieurs ne sont plus là pour le lui reprocher, étant disparus ou ayant été tués.

Nick Rizzuto Jr, surnommé «Nick the Rizz» par Di Marco, et Joe Sollecito ont mis sur pied la maison de jeu illégale qui a ouvert ses portes en octobre 2005 au sixième étage d'un immeuble de la rue Jean-Talon Est.

Les clients principaux étaient des «Italiens», des «Juifs» et des «Grecs», selon Di Marco. Ils jouaient surtout au Texas Hold'em. De mauvais joueurs, comme le frère de Joe, Steeve Sollecito, pouvaient perdre jusqu'à 100 000$ en une soirée.

Di Marco a raconté à la juge Isabelle Rheault qu'il avait accepté l'offre de Joe Sollecito d'y travailler comme croupier pour effacer une dette de 30 000$ contractée auprès de Bobby Manno, un cousin de Nick Rizzuto. Il avait emprunté cette somme à un taux usuraire pour pouvoir acheter des voitures et les revendre, selon ses explications.

Di Marco a juré que la maison de jeu n'avait pas réalisé de profits durant les cinq mois où il y a travaillé, jusqu'à ce que les policiers y fassent une perquisition en novembre 2006. Dans son témoignage, un enquêteur de la GRC, Marc Tremblay, n'a pas partagé cette vision des choses, parlant de «profits ponctuels» atteignant parfois 400 000$ en un mois.

La maison de jeu n'avait pas assez d'argent pour payer les gagnants et ne réussissait pas à collecter tous les perdants, a raconté Di Marco, et lorsqu'elle a fermé, il a dû affronter seul les créanciers impatients.

Joe Sollecito a mis «sa robe» et s'est enfui en Floride, alors qu'il devait 200 000$ à Bobby Manno (le même à qui Di Marco devait 30 000$), a-t-il affirmé, insinuant que son ancien partenaire avait manqué de courage. Joe Sollecito est le fils du principal lieutenant du clan sicilien encore vivant, Rocco Sollecito.

Réunion

Di Marco a alors convoqué une réunion avec des membres du clan sicilien qui n'avaient pas été arrêtés dans l'opération Colisée, a-t-il révélé hier. Parmi eux, Agostino Cuntrera, propriétaire d'une entreprise de distribution d'aliments, considéré comme l'un des principaux membres du clan sicilien (il a été assassiné en 2010), les deux fils de Vito Rizzuto, Leonardo et Nick Jr (aussi assassiné), et Mario Marabella (disparu). Cuntrera a conclu une entente avec Manno lors de cette rencontre pour effacer la dette de l'ancienne maison de jeu.

Autre révélation, hier: à la même époque, Di Marco était aussi en contact avec un employé civil de la GRC, Angelo Cecere. La police l'a même arrêté alors qu'il sortait de chez ce traducteur en possession de documents provenant de l'enquête Colisée.

Finalement, les accusations contre lui ont été abandonnées. Quant à Cecere, il a été arrêté en 2007 et n'a toujours pas été jugé.

Hier, Di Marco s'est vivement défendu d'avoir agi comme intermédiaire entre les mafieux arrêtés dans Colisée et Cecere pour tenter de faire dérailler le processus judiciaire. Il affirme être seulement un ami de longue date de la famille Cecere.

Di Marco a été arrêté en même temps que quatre autres personnes proches de la mafia dans la seconde vague d'arrestations de l'opération Colisée, en novembre 2008. Accusé d'avoir tenu une maison de jeu illégale, il avait été libéré jusqu'à son procès. Or, en juillet 2010, il a été de nouveau arrêté en possession d'une arme à feu chargée.

En mai dernier, le jour où il a reçu sa peine pour la possession d'arme, il avait dissimulé 22 balles de haschisch sur lui, tentant de les faire entrer en prison, a-t-on aussi appris hier. Le procureur de la Couronne, Yvan Poulin, a voulu lui faire dire, sans succès, que la drogue était destinée à des membres de la mafia emprisonnés. Les plaidoiries sur la peine se poursuivront à une date qui n'a pas encore été fixée.