Des agences prêtent de l'argent à des taux d'intérêt annuels de 360%, ce qui est six fois plus élevé que ce que permet le Code criminel, mais les autorités ne sévissent pas, révèle une enquête de la revue Protégez-Vous.

Priscilla Franken, une journaliste de cette revue spécialisée, a appelé diverses agences en se faisant passer pour une cliente qui avait un besoin urgent d'argent.

ArgentRapide.com, notamment, annonce ses services sur des panneaux publicitaires dans le métro ou le long des routes, ou encore dans les journaux. L'agence offre des «prêts personnels de 500$ et plus» à quiconque en fait la demande.

Mme Franken s'est fait offrir un montant de 500$, prétendument à un taux d'intérêt de 30%. Mais à cela s'ajoutaient des frais de «courtage» de 190,91$. Elle devait rembourser la somme de 760$ en trois mois.

Cela revient à un taux d'intérêt annuel de 349,86%, signale Protégez-Vous. Or, le Code criminel définit un taux criminel ainsi: «Tout taux d'intérêt annuel effectif, appliqué au capital prêté..., qui dépasse 60%.»

Une autre agence contactée par Mme Franken lui imposait un taux d'intérêt de 360%. Une troisième agence réclamait en apparence un taux très bas, mais une fois inclus les «frais administratifs» (220$ sur un prêt de 1000$), ce taux grimpait à 225%.

Des permis de l'OPC

Au Québec, tout prêteur d'argent doit détenir un permis délivré par l'Office de la protection du consommateur (OPC). Fait étonnant, certains prêteurs usuraires en ont un. C'est le cas d'ArgentRapide.com. «Quand on reçoit une demande de permis, on ne part pas du principe que les gens sont malhonnêtes», explique Réal Coallier, directeur régional de l'OPC pour Montréal, Laval et la Montérégie.

«Le bureau des permis vérifie certaines informations (par exemple l'absence de toute condamnation), mais on se fie essentiellement à ce que disent les demandeurs. Nous avons très peu d'enquêteurs, six pour être exact. Si nous ne recevons pas de plaintes, nous n'agissons pas.»

L'OPC encourage les victimes de prêts usuraires à porter plainte, a ajouté M. Coallier.

Joint par La Presse, Jean Patenaude, directeur de «Courtier national», la compagnie qui gère la société, a dit que son entreprise respectait toutes les lois. Mais il a refusé de répondre à des questions précises, nous renvoyant plutôt au propriétaire, Alain Pouliot, qui ne nous a pas rappelés.

Au registre des entreprises, ArgentRapide.com se définit comme un courtier boursier ou courtier immobilier. Pour faire ce type de courtage, une entreprise ou ses dirigeants doivent détenir un permis de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Selon nos vérifications, ces deux organismes n'ont jamais délivré de permis à ArgentRapide.com ou à ses dirigeants, et n'ont pas entrepris de démarches pour leur interdire de publier de fausses informations.

Avec la collaboration de Francis Vailles