Omar Bulphred, jeune Montréalais condamné en 2009 à sept ans de prison notamment pour l'incendie d'une école hassidique et un attentat raté contre un centre communautaire juif au nom du «jihad islamique», devra attendre encore quelques jours pour savoir s'il demeurera incarcéré ou s'il retournera en maison de transition.

Sa libération conditionnelle a été suspendue en mai alors que le jeune homme de 26 ans né en Géorgie se trouvait dans une maison de transition à Québec. On lui reproche d'avoir poursuivi un codétenu avec un couteau. Fait qui se serait produit une vingtaine de jours à peine après sa sortie de prison. La victime présumée a déclaré peu après que Bulphred l'aurait avertie qu'il savait «où couper, où frapper [avec un couteau] pour vider un individu de son sang».

Émaillée de multiples suspensions, l'audience de Bulphred devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada, hier à Laval, a tourné court. L'existence de nouvelles informations «qui seraient pertinentes et très confidentielles», mais «pas encore validées et corroborées» par les Services correctionnels, ont fait avorter l'audience.

Les deux commissaires ont refusé de statuer tant qu'ils ne seront pas fixés sur ces mystérieuses informations et, surtout, sur leur pertinence. «Notre priorité, c'est la protection du public», a insisté un des commissaires.

Omar Bulphred a acquiescé poliment, mais n'a pas caché sa déception peu après.

Il est difficile de croire que ce jeune homme poli, vêtu de jeans et d'une chemise bleus, bien coiffé, rasé de près et portant des petites lunettes qui lui donnent des airs d'étudiant à HEC, est le même que celui qui apparaît avec un air menaçant sur la photo qu'a diffusée la police après son arrestation en 2007.

Il est tout aussi difficile de croire que celui qui a conversé dans un français remarquable avec le représentant de La Presse en marge de l'audience, qui feuilletait Châtelaine, qui aime se promener dans les rues de Québec et qui écrit un roman, est encore considéré comme «un risque pour la société et la sécurité du public» par les Services correctionnels du Canada. Ceux-ci recommandent d'ailleurs la révocation de sa libération conditionnelle.

On a aussi rappelé son «impulsivité, agressivité et ses valeurs prônant l'extrémisme racial» et le fait «qu'il était instable au niveau emploi» au pénitencier dans lequel il est incarcéré. En revanche, «il est impliqué dans son suivi psychologique», a-t-on appris.

Prochaine audience

À la prochaine audience, Omar Bulphred devra convaincre les commissaires que les propos rapportés par le codétenu sont mensongers et, surtout, qu'il est capable de retourner dans la collectivité sans risque de récidive.

Toutefois, si les commissaires confirment la révocation, Bulphred restera derrière les barreaux jusqu'en février 2012.

Bulphred a été arrêté au printemps 2007 en compagnie de son complice Azim Ibragimov. Grâce à un micro caché au domicile de Bulphred, les policiers les auraient entendus planifier le rapt éventuel d'un participant au Bal en blanc qu'ils prévoyaient «attacher et égorger comme un poulet». On a aussi entendu Ibragimov, filmé par Bulphred, déclarer: «Fais tout pour ton pays, prends un couteau et égorge chaque chrétien qui est autour de toi, pas de pitié [...].»

Le 2 septembre 2006, le duo a jeté un cocktail Molotov dans une école hassidique à Outremont. Dix jours plus tard, les deux hommes ont incendié un véhicule. Enfin, le 3 avril 2007, ils ont déposé un engin explosif constitué de deux bombonnes de gaz propane contre un centre communautaire juif. Mais le dispositif a échoué.

Les deux hommes, suspectés de terrorisme, étaient déjà surveillés par la police depuis la fin du mois de février 2007. Une «perquisition secrète» menée le 5 avril chez Bulphred a permis de découvrir de l'engrais, des piles attachées ensemble, des fils électriques, etc. Ce matériel a été saisi quelques jours plus tard.

Bulphred, considéré comme le cerveau des attaques, a été condamné à sept ans de prison. Il avait formulé ses excuses à la communauté juive pour ces actes qu'il a qualifiés de «lâches». Son complice a quant à lui écopé de quatre ans de prison.