Le controversé homme d'affaires Andrew Badia, absent de l'actualité depuis des années, est réapparu de façon spectaculaire cette semaine. Dans une poursuite, il soutient être le propriétaire d'une imposante cave à vin de grands crus nichée dans une usine de chaussettes, dans l'est de Montréal.

La cave à vin est dans un local de l'entreprise Tricots Cameo, situé rue Rodolphe-Forget, près du boulevard Maurice-Duplessis. Elle est composée de 2 880 bouteilles de vin de collection, certaines datant des années 40.

Château Margaux 1945 cuvée de la victoire, Pommard 1947 et Château Latour 1962 figurent dans cette collection, qui s'étend sur huit décennies. On y trouve même un Château Mouton Rothschild 1934.

Andrew Badia soutient qu'il a entreposé une importante quantité de biens personnels dans cette usine avant octobre 2005, moment où il a quitté l'entreprise. En plus de la cave à vin, la liste de ses biens comprend une voiture Pontiac Trans Am 1974, un vélo Minelli, de nombreux vêtements, des oreillers, des accessoires de toilette et des photos personnelles, entre autres.

Dans sa poursuite, il affirme que l'entreprise Tricots Cameo refuse de lui remettre ses biens personnels, pour lesquels il a déposé en Cour des factures qui justifient certains achats.

Une faillite et des fonds publics

Andrew Badia a fait les manchettes à la fin des années 1990 début 2000. L'homme d'affaires planifiait alors de construire à Montréal la plus grande manufacture de chaussettes au monde.

Son projet a fait long feu, toutefois, et son entreprise Bas Iris a été contrainte de se placer sous la protection de la faillite, en 2004, faisant perdre des millions de dollars aux créanciers. Parmi eux se trouvaient Investissement Québec (3,8 millions), Revenu Canada (2 millions) et le Mouvement Desjardins (17 millions).

Au plus fort de ses activités, l'entreprise employait un millier d'employés, qu'elle avait formé grâce à une subvention de 6 millions de dollars du gouvernement fédéral. L'usine et les éléments d'actifs de l'entreprise ont fait partie d'un plan de relance et c'est aujourd'hui l'homme d'affaires William Cleman qui en est le propriétaire.

L'entreprise a donc été relancée, mais Andrew Badia a fait une faillite personnelle, en novembre 2004. Nous n'avons pu consulter le dossier de faillite pour savoir ce qu'il avait déclaré comme biens personnels à l'époque au bénéfice de ses créanciers. Quoi qu'il en soit, il a été libéré de sa faillite en 2006 et cette semaine, il réclame en Cour supérieure sa cave à vin et ses vieux vêtements.

Les documents déposés en Cour ne donnent pas d'indication sur la valeur de la cave à vin, mais elle vaut probablement plusieurs centaines de milliers de dollars, voire plus. À lui seul, le Château Mouton Rothschild 1945 a une valeur de 16 000 $, selon le site internet Wine Searcher.

La poursuite est datée du 28 juillet et est accompagnée d'un témoignage écrit de M. Badia signé à Lahore, au Pakistan. L'adresse de résidence de M. Badia est à Terrebonne.

Les documents produits en Cour donnent des détails sur les procédures juridiques entreprises par M. Badia pour récupérer ses biens. Le 17 juin, il a envoyé un huissier à l'usine pour dresser un inventaire des biens et préparer une éventuelle saisie. L'huissier a été reçu à midi par le vice-président Tony Bianco, qui aurait confirmé que les biens appartenaient bien à Andrew Badia.

Une heure plus tard, un cadre supérieur de l'entreprise s'est présenté et a dit à l'huissier que M. Bianco avait démissionné quelques jours plus tôt et qu'il en était à sa dernière journée de travail, ce 17 juin.

Vers 14h20, l'avocat de l'entreprise, Stephens Simmons, est arrivé sur les lieux. Le frère d'Andrew Badia, Robert, était aussi présent, étant toujours à l'emploi de l'entreprise.

«Me Simmons a dit à monsieur Robert Badia, d'un ton menaçant, qu'étant donné qu'il est le fondé de pouvoir de monsieur Andrew Badia, que s'il signe l'affidavit pour la saisie avant jugement, il le verrait dans d'autres circonstances et qu'il serait tenu responsable de ses gestes. J'avise l'avocat de ne pas menacer monsieur Robert Badia», écrit l'huissier dans son rapport.

Le propriétaire de l'usine, William Cleman, se serait aussi fait menaçant envers Robert Badia, selon le rapport. Plus tard, il lui a sommé de lui remettre les clés de l'immeuble.

Joint au téléphone, M. Cleman n'a pas voulu commenter sur cette affaire. L'avocat de l'entreprise, Stephens Simmons, n'a pas rappelé La Presse

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