Claude Larouche n'était assurément pas dans un épisode de paranoïa causé par sa consommation de cocaïne le soir où il a étranglé Natasha Cournoyer, selon le psychiatre Gilles Chamberland.

La Couronne a fait témoigner le psychiatre en contre-preuve, hier, au procès de Claude Larouche, au palais de justice de Montréal. Le menuisier de 49 ans est accusé du meurtre prémédité de la fonctionnaire de 37 ans.

Le Dr Chamberland, qui pratique à l'hôpital du Sacré-Coeur, a confirmé que la cocaïne peut causer un effet de paranoïa, comme l'avait expliqué la veille le pharmacologue qui témoignait à la demande de la défense, le Dr Louis Léonard.

Toutefois, après avoir assisté au témoignage de Claude Larouche, le Dr Chamberland est convaincu que l'accusé n'avait pas les symptômes d'un délire paranoïaque ou d'une psychose toxique.

L'accusé a raconté qu'il avait déjà consommé une grande quantité de cocaïne et de crack lorsqu'il s'est rendu à un rendez-vous avec un vendeur de cocaïne dans le stationnement de Place Laval.

Une fois dans le stationnement, il a consommé ce qu'il lui restait de drogue dans sa fourgonnette, dont il avait laissé une porte ouverte. Il a attendu une heure et demie. Pendant tout ce temps, jamais il n'a tenté de joindre le trafiquant, qui tardait à arriver.

Des doutes

Or, la paranoïa causée par la cocaïne se manifeste par une méfiance extrême et une bonne dose d'impatience. «Ici, on a quelqu'un qui fait preuve d'une patience assez extraordinaire», a observé le psychiatre.

Larouche affirme qu'il n'a même pas entendu arriver la victime tellement il était centré sur sa consommation. «On est aux antipodes de quelqu'un de méfiant. Je dirais même qu'il a été négligent», a dit le Dr Chamberland.

Autre anomalie, selon lui: Larouche dit avoir forcé sa victime à entrer dans sa fourgonnette après avoir été surpris par son arrivée. «C'est illogique de prendre quelqu'un dont on a peur et de s'enfermer avec lui. C'est comme mettre un loup dans une cage, puis entrer dans la cage avec lui.»

L'accusé a aussi raconté avoir fait le ménage de la chambre du motel Lido plus tard ce soir-là, alors que la victime gisait inerte sur le plancher. Il fait preuve d'un «calme olympien» pour une personne sous l'influence de la cocaïne, a dit le psychiatre.

Le Dr Chamberland ne croit pas non plus que les trous de mémoire de l'accusé soient causés par la cocaïne ou même par le drame en tant que tel. Il arrive que des soldats qui ont commis des gestes atroces à la guerre ne s'en souviennent pas en détail. Leur cerveau se «coupe» de cette information pour leur éviter de souffrir. Lorsqu'ils en reparlent, ils sont souvent bouleversés, traumatisés, a décrit le psychiatre.

La réaction de Larouche, qui a regardé les photos de l'autopsie sans broncher lorsqu'il a témoigné pour sa défense, n'est pas compatible avec celle d'un homme traumatisé par les événements, selon le Dr Chamberland.

Une étude mal interprétée

Par ailleurs, le psychiatre a remis en question l'interprétation qu'a faite l'expert de la défense, le pharmacologue Louis Léonard, d'une étude sur la consommation de cocaïne. Rappelons que la défense prétend que l'accusé était trop intoxiqué pour avoir prémédité le meurtre de Natasha Cournoyer.

La veille, le Dr Léonard avait cité à maintes reprises une étude portant sur 87 personnes qui, selon ce qu'il disait, avaient commis un homicide alors qu'elles étaient sous l'effet de la cocaïne. Dans 40% des cas, a-t-il dit, leur consommation aurait directement contribué au crime.

Or, le Dr Chamberland a retrouvé cette étude américaine et s'est rendu compte qu'elle ne portait pas sur des meurtriers, mais bien sur des victimes d'homicide. Il s'agissait de consommateurs de cocaïne tués par leur fournisseur ou en raison de leurs dettes de drogue.

Ce qu'il faut en conclure, selon le Dr Chamberland, c'est que les consommateurs de cocaïne ont un risque accru de mourir par homicide. Cette étude n'aurait ainsi plus rien à voir avec la cause de Claude Larouche.

Enlevée dans le stationnement de la Place Laval le 1er octobre 2009, Natasha Cournoyer a été agressée sexuellement, ligotée et étranglée.

Le contre-interrogatoire du Dr Chamberland commence ce matin. L'accusé est défendu par Mes Richard Rougeau et Sonia Mastromatteo. La Couronne est représentée par Me Éliane Perreault.