Les enquêteurs de la Sûreté du Québec chargés de faire la lumière sur l'intervention policière qui a fait deux morts mardi, au centre-ville de Montréal, ont commencé à interroger les policiers impliqués, a appris La Presse.

Les enquêteurs auraient obtenu une bonne collaboration de la part des policiers du SPVM. Le premier policier a été interrogé dans la matinée d'hier. Le second a été questionné en après-midi. Les deux autres policiers devraient se soumettre au même exercice dans les prochains jours.

Par ailleurs, en fermant de nouveau la rue Saint-Denis à la recherche d'indices, jeudi, les enquêteurs de la SQ ont pu confirmer leur thèse voulant que l'une des trois balles tirées aurait ricoché sur un objet pour atteindre mortellement Patrick Limoges, 36 ans, qui s'en allait travailler à l'hôpital Saint-Luc.

L'intervention des agents visait à calmer Mario Hamel, 40 ans, un homme aux prises avec des problèmes de santé mentale qui était en crise rue Saint-Denis. M. Hamel avait dans les mains un couteau dont il refusait de se défaire. Deux policiers ont fait feu, et M. Hamel a été tué.

La SQ a agi plus rapidement cette fois-ci que dans le cas de l'enquête sur la mort de Fredy Villanueva, tué par l'agent Jean-Loup Lapointe, de la police de Montréal, dans un parc de Montréal-Nord. Les enquêteurs de la SQ n'avaient d'ailleurs pas reçu une aussi bonne collaboration à l'époque, nous dit-on.

À ce moment-là, deux policiers de la SQ avaient brièvement rencontré l'agent Lapointe au bureau de son avocat, six jours après la mort du jeune homme de 18 ans, survenue le 9 août 2008. L'agent avait invoqué son droit au silence. Il avait remis une version écrite des faits un mois après l'événement.

Sa partenaire, Stéphanie Pilotte, n'a quant à elle jamais été interrogée. Elle avait remis un rapport une semaine après le drame. Les deux policiers n'avaient pas été séparés après l'événement. Ils avaient rencontré un représentant syndical le soir même, sans la présence de la SQ.

Les jeunes témoins du drame, eux, avaient été «isolés» les uns des autres puis questionnés au poste de police dans les heures qui ont suivi. Ces révélations, faites à l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, en ont d'ailleurs choqué plusieurs et ont suscité un débat sur la transparence des enquêtes de la police sur la police.

S'exprimant pour la première fois sur la fusillade, Gérald Tremblay a plaidé hier pour une réforme du processus d'enquête. «Est-ce qu'il faut que ce soit toujours des policiers et des policières qui enquêtent sur des policiers et des policières? Nous considérons qu'il doit y avoir un autre processus que celui qui est en place. Toute la politique ministérielle doit être revue.»

Ce n'est pas la première fois que la Ville se penche sur la question. Au printemps 2010, en pleine enquête du coroner sur l'affaire Villanueva, le conseil municipal avait demandé au gouvernement, dans une proposition unanime, de se doter d'un bureau d'enquête plutôt que de confier à la police les enquêtes sur la police. S'il juge les délais d'enquête «trop longs», le maire a toutefois refusé de blâmer les policiers. «Le travail des policiers est de plus en plus complexe», a-t-il dit.

- Avec la collaboration d'Anabelle Nicoud et de Charles Côté