Incarcéré, Tiberiu Gavrila croyait sans doute avoir élaboré le scénario parfait pour réussir à faire entrer de la drogue et des cellulaires à l'Établissement de détention de Montréal, mieux connu sous le nom de prison de Bordeaux.

Munie d'une fausse carte du Barreau, l'une de ses présumées complices, Andrée-Anne Pelletier, devait éviter la fouille obligatoire pour tout visiteur en se faisant passer pour l'avocate de Gavrila. En effet, les avocats de défense ont le privilège d'entrer dans des centres de détention sans se faire fouiller.

La jeune femme s'est ainsi présentée à la prison avec une fausse carte du Barreau au nom d'une vraie avocate: Nathalie Garneau. Cette dernière, qui pratique à la Ville de Montréal, s'est fait usurper son identité et n'a rien à se reprocher dans cette histoire.

Mme Pelletier aurait alors tenté de faire entrer en prison 26 grammes de haschisch, 40 grammes de marijuana et six cellulaires BlackBerry, tous des objets interdits qui valent leur pesant d'or en prison, selon la poursuite.

Ce complot a toutefois été déjoué par trois corps policiers (GRC, SQ et SPVM) qui menaient alors une vaste enquête sur un réseau de faussaires soupçonnés notamment d'utiliser des garderies comme couverture à leurs activités criminelles.

M. Gavrila l'ignorait, mais son présumé complice chargé de fabriquer la fausse carte du Barreau avait été placé sur écoute électronique, si bien que les policiers ont interceptés leurs conversations. Ce présumé complice, Khaled Bentoutaou, a plaidé non coupable et son enquête préliminaire se tient en ce moment.

Le 21 octobre 2009, les autorités carcérales, prévenues par les policiers, attendaient donc la fausse avocate de pied ferme. Andrée-Anne Pelletier a été arrêtée ce jour-là et est en attente de son procès.

Quant à Gavrila, 37 ans, il a reconnu sa culpabilité, hier, au palais de justice de Montréal, à un chef d'accusation de complot dans le but de fabriquer de faux documents et d'utiliser ces documents contrefaits.

La poursuite s'est entendue avec la défense, représentée par Me Cristina Nedelcu, pour suggérer une peine d'un an d'emprisonnement à purger à ce jour (quatre ans auxquels ils ont soustrait trois ans de détention préventive). La juge Ouimet a entériné cette suggestion, non sans spécifier, que cela lui semblait «clément» dans les circonstances.

«Généralement, on impose des peines moins sévères pour la fabrication de faux documents que pour des crimes violents ou des crimes liés aux stupéfiants, a expliqué la juge. C'est vraiment ici le fait qu'on ait usurpé l'identité d'un avocat et mis en péril un privilège qui rend la cause beaucoup plus sérieuse.»

Réfugié gitan

Tiberiu Gavrila est un réfugié gitan de Roumanie qui ne possède pas le statut de résident permanent au Canada. Il a été arrêté dans le cadre de cette affaire à Montréal en 2009, alors que la Cour suprême du Canada s'apprêtait à rendre sa décision dans sa cause d'immigration.

Cet homme de 37 ans a des antécédents de fraude au Canada et en Roumanie. Il est entré au pays en 2004 alléguant qu'il avait été persécuté en Roumanie en raison de ses origines et de ses activités au sein d'une association de défense des Roms. Il a obtenu le statut de réfugié, puis les autorités roumaines ont réclamé son extradition pour qu'il purge une peine de prison relativement à une condamnation pour fabrication de faux visas commise là-bas.

M. Gavrila a contesté son extradition jusqu'en Cour suprême, qui a renvoyé l'affaire au ministre fédéral de la Justice pour qu'il examine à nouveau le dossier.