En 20 ans de carrière, l'ambulancier Normand Aubin n'avait jamais vu un corps d'enfant meurtri de la sorte. C'est ce que l'ambulancier d'expérience a raconté cet après-midi au premier jour du procès de Stéphanie Meunier au palais de justice de Montréal. Stéphanie Meunier, 32 ans, est inculpée du meurtre prémédité du fils de son conjoint, Jérémy Bastien-Perron, 4 ans.

Le 6 décembre 2008, vers 18h, l'accusée loge un appel au 911, alors qu'elle est la seule adulte dans son logement de la rue Armand-Bombardier dans le quartier Rivière-des-Prairies.

«Excuse-moi, j'ai un enfant qui est tombé au parc, hier, et qui est pas mal blessé. Il vient de tomber sans connaissance, ça fait la troisième fois depuis hier. Yé ben magané. J'essaie de lui faire la respiration artificielle. Il ne revient pas à lui. Il vient de se cogner la tête d'aplomb. Son coeur est faible», explique-t-elle à la répartitrice d'un ton paniqué.

À leur arrivée à l'appartement, deux ambulanciers découvrent l'enfant gisant dans un corridor étroit, inconscient. Mme Meunier est hystérique. Elle parle au téléphone à quelqu'un en répétant: «Je capote», selon l'ambulancier Normand Aubin. Deux ou trois autres enfants présents dans le logement pleurent et crient.

Lorsque l'ambulancier d'expérience découpe le pyjama du bambin pour lui prodiguer les premiers soins, il a un «déclic».  Il demande immédiatement à son collègue de contacter la police.

Le thorax, le ventre et les parties génitales de l'enfant sont couverts d'ecchymoses. Des marques horizontales qui auraient pu être faites à l'aide d'une ceinture traversent tout le thorax. «Ça ne correspond pas à une chute (...) Ça fait 20 ans que je suis ambulancier, je n'ai jamais vu ça», a expliqué M. Aubin au jury cet après-midi.

Les ambulanciers tenteront de réanimer l'enfant, sans succès. Son décès sera constaté à l'hôpital. Son décès a été causé par un coup à la tête qui a provoqué une hémorragie, selon la preuve de la poursuite.

Stéphanie Meunier et ses quatre enfants, âgés entre deux et dix ans, seront alors amenés au poste de police. Réunis dans une même salle, la mère lèvera le chandail de chacun de ses enfants pour montrer leur ventre aux policiers afin de prouver qu'ils n'ont pas été battus, a témoigné la policière Caroline Brouillard, cet après-midi.  

«C'est un enfant qui a été battu à répétition pendant des jours et des semaines», a dit le procureur de la Couronne, Me Louis Bouthillier, ce matin au moment de son résumé de la preuve qu'il entend présenter au jury. Ce «harcèlement criminel» commis par l'accusée à l'endroit de la victime a conduit à la mort du petit garçon, selon la poursuite, de là l'accusation de meurtre prémédité.

Le père du bambin, Francis Bastien, a aussi battu l'enfant. Il viendra raconter au procès qu'une semaine avant le décès de son fils, il avait confié la garde du bambin à sa nouvelle conjointe, Stéphanie Meunier. C'est qu'il devait s'absenter pendant deux semaines pour se soumettre à des tests pharmaceutiques comme «cobaye» dans un laboratoire du quartier Côte-des-Neiges.

M. Bastien avait emménagé avec sa nouvelle conjointe dans le logement de la rue Armand-Bombardier cinq semaines avant le drame.

Alors qu'il était cobaye, M. Bastien ne retournait pas dormir à l'appartement. Il était toutefois en contact avec sa nouvelle conjointe puisque la police a découvert qu'ils se sont téléphoné à environ 70 reprises entre le 30 novembre et le 6 décembre 2008.

La Couronne fera entendre une trentaine de témoins, dont un odontologiste. Cet expert en dents viendra expliquer qu'à son avis, la dentition de l'accusée correspond à certaines morsures trouvées sur le corps de la victime au moment de l'autopsie.

Le procès, présidé par la juge de la Cour supérieure Johanne St-Gelais, se poursuit demain. L'accusée est défendue par Me Joëlle Roy et Me Mathieu Poissant. Le procès doit durer de cinq à six semaines.