La mère de Brian Kachur, un jeune homme de 19 ans tué par deux adolescents en raison d'un conflit à propos d'un graffiti, est inconsolable.

Theresa Brochet a rendu un témoignage déchirant, hier, en Chambre de la jeunesse de Montréal, un an et demi après que pson fils eut été froidement assassiné par deux adolescents en bordure du fleuve Saint-Laurent, à Verdun.

«Les assassins de mon fils lui ont donné 12 coups de brique pour ensuite le jeter dans le fleuve encore vivant. Ils n'ont eu aucune pitié. Pourquoi la loi canadienne devrait en avoir pour eux?» a-t-elle demandé au juge Gaétan Zonato, alors que le magistrat devait décider de la peine à infliger à l'un des deux accusés, qui avait 15 ans au moment du crime.

Dans la nuit du 14 au 15 novembre 2009, l'adolescent en question soulignait l'arrivée prochaine de son 16e anniversaire en buvant de la bière avec deux amis sous un viaduc bien connu des graffiteurs, à Verdun.

Brian Kachur s'est approché du groupe. Personne ne le connaissait, mais ils eurent tôt fait de se découvrir une passion commune: les tags.

Lorsque Kachur a déclaré qu'il était le tagueur Razor, le garçon de 15 ans a un déclic. Il venait de trouver celui qui avait fait des cross tags sur les siens. Or, dans cet univers, une loi non écrite veut que l'on n'appose pas sa signature sur celle d'un autre graffiteur.

L'adolescent s'est mis à réfléchir à un plan pour donner une leçon à Kachur. Ils ont consommé d'autres bières, du pot et de l'ecstasy avant de décider d'aller faire des graffitis ensemble. Il a ensuite invité sa victime à un party. En chemin, l'un des garçons du groupe a décidé de rentrer chez lui. Kachur s'est donc retrouvé seul avec l'adolescent de 15 ans et un autre de 14 ans. Avant de se rendre à la fête, ils se sont arrêtés en bordure du fleuve, près d'une station de pompage. Kachur a décidé d'y faire un tag. Alors qu'il avait le dos tourné, le garçon de 15 ans s'est emparé d'une brique et l'a frappé à la tête à plusieurs reprises avant de sauter à pieds joints sur son corps inerte, tandis que l'autre adolescent lui donnait des coups de pieds.

Ils l'ont cru mort. Or, le pathologiste André Bourgault a témoigné à l'enquête préliminaire que la mort de la victime résultait «à la fois des blessures et de la noyade».

L'adolescent de 15 ans a pris le temps de récupérer le cellulaire de sa victime avant de lancer le corps dans le fleuve afin qu'on ne le retrouve pas.

Mais le corps de Kachur a été retrouvé le lendemain par un passant. Ce matin-là, les policiers étaient nombreux dans le secteur, ce qui n'a pas empêché le meurtrier de 15 ans d'aller récupérer la brique et un foulard sur la scène de crime.

Dans les jours suivants, il a même écrit à son complice pour lui indiquer quoi dire aux policiers au cas où ils se feraient arrêter.

Les policiers, qui ont mis la main sur une vidéo de surveillance montrant le groupe avant le meurtre, ont finalement arrêté les deux adolescents cinq mois plus tard. Entre-temps, le garçon de 15 ans est allé jusqu'à se présenter chez la mère de Brian Kachur pour lui offrir ses condoléances. Alors considéré comme suspect par la police, il a juré que ce n'était pas lui qui avait fait le coup.

Aujourd'hui âgé de 17 ans, il a plaidé coupable à une accusation de meurtre non prémédité en janvier dernier. La poursuite, représentée par Me Jean-Sébastien Bussière, a renoncé à suggérer une peine pour adultes après avoir reçu une série de rapports de spécialistes relativement optimistes quant à ses chances de réhabilitation. Il souffrirait d'un trouble de personnalité narcissique, selon le psychiatre qui l'a évalué.

Le juge Gaétan Zonato a suivi la recommandation commune de la Couronne et de la défense en condamnant le garçon de 15 ans à trois ans et demi de garde fermée dans un centre jeunesse, suivi d'une période de surveillance de trois ans dans la communauté.

Son complice a plaidé coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire. Il passera lui aussi les trois prochaines années en garde fermée dans un centre jeunesse.

«Je suis tout à fait conscient que je ne peux pas rendre la justice que vous souhaitez. Pour cela, il faudrait que je puisse vous rendre votre fils», a conclu le magistrat en regardant la mère de la victime, assise dans la première rangée. Theresa Brochet, qui tentait tant bien que mal de réprimer ses larmes depuis le début de l'audience, a alors éclaté en sanglots.