L'agent Yannick Bernier a tiré à deux reprises sur Mohamed Anas Bennis le matin du 1er décembre 2005 «parce qu'il n'y avait pas d'autres actions possibles pour sauver sa peau».

C'est ce qu'il a affirmé mercredi au premier jour de l'enquête de la coroner Catherine Rudel-Tessier sur la mort de Mohamed Anas Bennis, au palais de justice de Laval. La famille Bennis a choisi de boycotter l'enquête parce que le Bureau du coroner n'entend pas rembourser ses frais d'avocat.

Vers 7h15, le matin du drame, l'agent Bernier et son partenaire Jonathan Roy se sont rendus dans la rue Kent, dans Côte-des-Neiges, pour surveiller une résidence qui faisait l'objet d'une perquisition.

Après avoir stationné leur voiture, les deux policiers ont croisé Mohamed Anas Bennis, qui n'avait rien à voir avec l'opération en cours.

Le jeune homme de 25 ans, qui venait de sortir d'une mosquée, marchait sur le trottoir, les mains dans les poches

Yannick Bernier soutient que, sans raison apparente, Bennis a sorti un couteau lorsqu'il s'est retrouvé à un mètre de lui.  Il l'aurait porté à sa gorge en le contournant vers l'arrière. Des photos montrant une longue cicatrice dans le cou du policier et une entaille à sa cuisse droite ont été déposées en preuve.

L'agent Bernier affirme s'être retourné vers le suspect pour le faire basculer au sol. En attendant son confrère crier, l'agent Roy, qui se trouvait à quelques mètres, a couru vers lui en sortant son arme.

Yannick Bernier soutient que Bennis, qui se trouvait à environ 1,5 mètre de lui, a ensuite «bondi» en sa direction, couteau en main. C'est là qu'il a ouvert le feu.

Au moment du drame, le policier Abderazak Bouhenniba  se trouvait sur le balcon de la résidence où avait lieu la perquisition. Il affirme que  Bennis a crié «Dieu est grand» en arabe dans l'instant précédent l'altercation. «C'était comme pour se donner du courage», a indiqué l'agent Bouhanniba, d'origine algérienne.

En décembre 2003, Bennis s'est fait prescrire des antidépresseurs pour soigner une dépression, a-t-on appris mercredi. Il aurait pris ses médicaments pendant un mois.

La famille boycotte l'enquête

Bien qu'il la réclamait depuis plusieurs années, le père de la victime, Mohamed Bennis, a choisi de boycotter l'enquête du coroner pour contester le fait que ses frais d'avocats ne seront pas remboursés par le Bureau du coroner. L'attaché de presse du ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a dit mercredi que la demande de la famille est toujours «en analyse».

«Je n'ai ni la compétence, ni les moyens de participer à cette enquête publique en l'absence d'un avocat», a dit M. Bennis, venu du Maroc uniquement pour la tenue de l'enquête. La famille a toujours douté que la victime était bel et bien armée le jour du drame. Elle veut notamment savoir pourquoi le couteau n'a jamais été soumis en expertise médico-légale.

La Coalition Justice pour Anas s'est vu refuser le statut de partie intéressée, réservé «aux gens directement touchés par les faits». La coroner a toutefois invité le groupe à prendre la parole lors des représentations finales.

Rappelons que l'enquête du Service de police de la Ville de Québec n'a retenu aucun blâme contre les policiers, tout comme le procureur de la Couronne, qui n'a porté aucune accusation contre eux. Une plainte privée de la famille Bennis a été rejetée par la Cour du Québec. Le Commissaire à la déontologie policière n'a rien reproché aux policiers, tout comme le Comité de déontologie policière, qui a révisé la décision.

L'audience, qui devrait durer entre deux et quatre jours seulement, reprendra jeudi avec le dernier témoin, un expert de l'École nationale de police.