Alors qu'il se trouvait à l'urgence de l'hôpital de Saint-Jérôme, l'après-midi du 21 février 2009, Guy Turcotte refusait tous les traitements, et ne voulait pas être transféré à Montréal, où on disposait d'équipements plus sophistiqués en dialyse pour lui sauver la vie, croyait-il.

«J'ai tué mes enfants, je suis un criminel, laissez-moi mourir», répétait-il en pleurant. Il a aussi dit qu'il avait tué ses enfants pour leur éviter de souffrir de la séparation de leurs deux parents.

C'est ce qui se dégage du témoignage souvent chargé d'émotions, que l'infirmière Chantal Duhamel a livré, jeudi, au procès de Guy Turcotte, accusé des meurtres prémédités de ses deux enfants. Assis dans le box, ce dernier a pleuré pendant une bonne partie du récit. On entendait aussi des sanglots étouffés dans la salle d'audience. Des membres des deux familles celle de M. Turcotte, et de son ex-conjointe, Isabelle Gaston, assistent au procès.

Mme Duhamel a replongé dans ses souvenirs pour son témoignage. Selon son récit, elle était de garde en salle de réanimation, quand elle a été avisée à midi 05, le 21 février 2009, qu'un homme intoxiqué s'en venait en ambulance à l'hôpital. On lui a dit aussi que cet homme avait tué ses enfants. Le patient est arrivé peu après. «On l'a installé en salle de réanimation. Je l'ai reconnu, c'était le Dr Turcotte. J'ai tiré les rideaux», a raconté Mme Duhamel. Peu après, elle se souvient s'être approchée du bras droit de M. Turcotte, pour lui donner des soins. Mais il ne voulait pas. «Laissez-moi tranquille. J'ai le droit de refuser les soins. Je suis un criminel, je ne veux pas que vous vous occupiez de moi», disait-il.

M. Turcotte pleurait et se débattait. Il a fallu lui mettre des contentions. Questionné sur ce qu'il avait pris, il a dit des Tylenol. On a finalement réussi à lui faire des tests. Il a demandé les résultats de son électrocardiogramme. «Mon PH, il est de combien», a-t-il demandé aussi? Des résultats de tests ont fini par arriver, et ont démontré qu'il n'y avait pas de trace de Tylenol dans son organisme. M. Turcotte refusait toujours de dire ce qu'il avait pris. Ce n'est que vers 14 h15 qu'il a avoué avoir bu du lave-glace. Deux litres pensait-il, qu'il avait ingurgités vers 20 heures, la veille.

«Il continuait de dire de le laisser mourir, a expliqué Mme Duhamel. Il ne comprenait pas ce qui était arrivé. Il a dit qu'il aimait Isabelle comme un fou, et qu'il lui avait tout donné.»

Quand il a été question de le transférer dans un hôpital à Montréal, il a dit qu'il ne voulait pas. À Saint-Jérôme, il avait plus de chances de mourir, croyait-il.

«On lui a dit que vu qu'il travaillait avec nous, il fallait le transférer parce qu'on était en conflit d'intérêt.», a résumé Mme Duhamel.

Vers les 18h, le patient a reçu une perfusion d'alcool à 100% comme traitement. Son comportement a changé, car cela provoque une sorte d'ivresse. Il est devenu arrogant, il parlait fort, faisait des commentaires sur ceux qu'il aimait moins à l'hôpital, selon Mme Duhamel. Cette dernière a accompagné M. Turcotte dans l'ambulance qui l'a amené à l'hôpital Sacré-Coeur, vers 19 heures, ce soir-là. À ce moment, il était plus calme, il s'est endormi.

Mme Duhamel côtoyait le Dr Turcotte depuis plusieurs années à l'hôpital. Invité par la défense à le décrire, elle a reconnu que c'était un médecin exemplaire, généreux, qui prenait son travail à coeur. «Le médecin parfait pour une infirmière», a-t-elle résumé. Elle l'avait vu la veille, soit le vendredi, à l'hôpital. Il était égal à lui-même, gentil, poli, souriant, calme. Il y avait cependant un peu de tristesse dans ses yeux. «On l'avait remarqué, on était au courant pour la séparation.»

Endurer

Outre Mme Duhamel, il y avait le préposé aux bénéficiaires Stéphane Gagnon, de même que le Dr Marie-Pierre Chartrand et une policière, dans la salle de réanimation, cet après-midi là. D'autres personnes entraient occasionnellement. C'est le cas de Guylaine Paquin, responsable de l'urgence. Selon le témoignage de cette dernière, en la voyant arriver près de lui, Guy Turcotte lui a pris la main et l'a tenue très serrée en lui disant: «Si vous saviez ce qu'elle (Isabelle Gaston] m'a fait endurer. Elle avait tout ce qu'elle voulait, elle faisait tout ce qu'elle voulait et elle voyageait comme elle voulait.»

Mme Paquin est intervenue plus tard cet après-midi là auprès du préposé Gagnon, car celui-ci questionnait Turcotte sur les meurtres. Il demandait ce qui était arrivé, quand et comment. «J'ai tué mes enfants. Avec un couteau. Hier soir à huit heures», a répondu M. Turcotte.

Rappelons que M. Turcotte a admis dès le début du procès, lundi, qu'il avait tué ses enfants. Olivier cinq ans et Anne-Sophie, trois ans ont été poignardés dans la maison que leur père venait de louer, à Piedmont. L'enjeu de ce procès sera de déterminer si Guy Turcotte était responsable mentalement de ses gestes au moment de les commettre.

Le procès devant jury qui se tient à Saint-Jérôme, reprendra mardi.