Daniel Filion, l'inventeur d'un système d'alarme qui projette du poivre de Cayenne pour incommoder les intrus, a été arrêté mardi matin. Les policiers ont effectué une saisie dans les bureaux ainsi qu'au domicile de cet homme d'affaires au passé trouble, qui a déjà fabriqué des bombes pour les motards.

Depuis 2004, M. Filion commercialisait son système d'alarme sous le nom de Dragon anti-intrusion. Il s'agit essentiellement d'une valise munie d'un détecteur de mouvements, capable de projeter à plusieurs mètres de distance une vingtaine de grammes d'huile de poivre de Cayenne.

La Presse a testé le système il y a deux semaines. Son efficacité ne fait aucun doute. Sa légalité, toutefois, est contestée par le Module mixte d'enquête sur le trafic d'armes à feu, de munitions et d'explosifs de la Sûreté du Québec, qui a entamé une enquête sur M. Filion et ses associées en janvier.

Sa femme, Claire Leblanc, qui était la propriétaire officielle de l'entreprise, ainsi que leur fille, ont été arrêtées en même temps que l'inventeur tôt mardi matin, à Les Coteaux, une localité située près de Salaberry-de-Valleyfield. Les trois seront accusés de trafic d'armes prohibées, de possession d'armes prohibées dans le but d'en faire le trafic ainsi que de complot visant le trafic de ces armes

À leur arrivée au domicile de M. Filion à Rivière-Beaudette, les policiers ont été aspergés de gaz poivre, puisqu'un système d'alarme actif protégeait l'immeuble. Une dizaine de caméras de surveillance entouraient la maison.

Les policiers affirment y avoir aussi trouvé une vingtaine de grenades inactives, vidées de leurs charges explosives. «Par contre, tout le matériel pour les rendre fonctionnelles se trouvait dans la résidence», a indiqué Geneviève Bruno, porte-parole de la SQ.

«Le système d'alarme anti-intrusion était très sophistiqué», a-t-elle ajouté.

Fabricant de bombes

Daniel Filion, âgé de 53 ans, a fabriqué des bombes pour le compte de groupes de motards criminels dans les années 90. Il a failli perdre la vie lors du déclenchement accidentel d'un de ses engins à Morin Heights, en 1995. Les policiers l'avaient retrouvé grièvement blessé dans une voiture, sa main droite était arrachée et ses intestins lui sortaient du ventre. Il a par la suite retourné sa veste, puis est devenu délateur pour l'escouade Carcajou.

En 2006, deux ans après qu'il eut lancé son entreprise Dragon anti-intrusion, il a été poursuivi pour possession d'arme prohibée, en l'occurrence le poivre de Cayenne. Le juge Michel Mercier, de la Cour du Québec, chambre criminelle, a déclaré un non-lieu dans cette affaire, estimant que le poivre de Cayenne en tant que tel n'est pas une arme; c'est plutôt le dispositif avec lequel il est utilisé qui est une arme.

«La SQ a tout fait pour me ruiner», croit M. Filion, qui a confié à La Presse qu'il menait des tests avec d'autres substances encore plus irritantes que le poivre de Cayenne pour ses systèmes d'alarme.

Selon la Sûreté du Québec, «au Canada, lorsque le poivre de Cayenne est utilisé pour frapper d'incapacité une autre personne - y compris de possibles agresseurs - il devient une arme prohibée»,

M. Filion avait toutefois fait faire un avis juridique qui lui était favorable, qu'il exhibait lors de démonstrations faites à différents endroits au Québec. Il s'apprêtait à présenter sous peu son dispositif dans un salon d'exposition d'armes à feu.