La Cour du Québec a-t-elle juridiction pour entendre un recours collectif intenté contre une société minière au nom des victimes d'un massacre perpétré en République démocratique du Congo (RDC)?

Le juge Benoît Emery devra répondre à cette question après avoir entendu les arguments des deux parties, cette semaine, au palais de justice de Montréal.

La cause oppose l'Association canadienne contre l'impunité (ACCI) à Anvil Mining, société minière australo-canadienne. Dans une demande de recours collectif présentée en novembre dernier, l'ACCI soutient qu'Anvil Mining s'est rendue «complice» d'un massacre commis en 2004 dans la ville de Kilwa, en République démocratique du Congo, en prêtant des camions aux militaires congolais.

En octobre 2004, l'armée congolaise a durement réprimé un petit groupe rebelle qui venait de s'emparer de Kilwa, au sud-est du pays. Plus de 70 personnes auraient péri, dont plusieurs civils.

Selon l'ACCI, l'insurrection «représentait potentiellement un danger pour la survie même de la compagnie». Anvil Mining, qui exploitait une mine de cuivre dans la région, faisait transiter son minerai par le port de Kilwa.

Les dirigeants d'Anvil Mining ont admis avoir prêté des camions, mais ils ont soutenu qu'ils n'avaient pas le choix de le faire, car la demande provenait du gouvernement congolais.

En 2007, la Cour militaire de la République démocratique du Congo a acquitté trois employés d'Anvil Mining dans cette affaire. Un recours a également été entrepris en Australie, où se situe le siège social d'Anvil Mining, mais le cabinet d'avocats se serait désisté.

«Nous croyons que le Québec a la juridiction de se prononcer sur le dossier, parce le bureau montréalais d'Anvil Mining a joué un rôle dans la gestion de la crise», a dit hier la présidente de l'ACCI, Tricia Feeney.

L'avocat de la société minière, Me Jean-François Lehoux, a minimisé hier l'implication du bureau montréalais dans cette affaire. À ses yeux, la Cour du Québec n'a pas la compétence d'entendre le recours collectif, car Anvil Mining n'était pas établie au Québec et n'y exerçait aucune activité au moment des faits allégués. Son bureau montréalais a ouvert en juin 2005.

Le juge Benoît Emery devrait rendre sa décision d'ici le mois de juin.