Le jeune travesti Victor Junior Roberge a eu gain de cause. Un juge de la cour municipale de Montréal a annulé sa contravention pour tapage que lui avaient décernée des agents de surveillance du métro.

Victor Junior Roberge, dont le nom de scène est Miss Cookie, est convaincu d'avoir été victime de discrimination basée sur son orientation sexuelle. Il s'est d'ailleurs présenté en cour, hier, maquillé, vêtu d'une robe noire et chaussé de talons hauts.

Le jeune homme de 23 ans n'a toutefois pas eu à invoquer explicitement cet argument devant le juge Pascal Pillarella pour être acquitté. «Dans la vie, je m'affirme. Je suis gros. Je suis grand. Je parle fort. Ce n'est pas une raison pour me donner une contravention», a fait valoir le jeune homme, qui se défendait sans l'aide d'un avocat.

L'audience a eu lieu plus de deux ans après les faits. Le 14 janvier 2009, peu après minuit, Victor entre avec quatre amis - tous hétérosexuels - dans la station de métro Papineau. Le guichet du métro est alors défectueux. Et Victor n'a que sa carte de débit pour payer son passage. Frustré, il va voir le changeur pendant que ses amis, qui ont déjà leur billet, franchissent les tourniquets.

Le changeur lui dit alors qu'il accepte uniquement l'argent comptant. Victor demande donc à ses amis de lui prêter de l'argent. Ils accèdent à sa demande, non sans se payer un peu sa tête. Tous se mettent à blaguer et à rire très fort, selon la version de Victor. Si fort que deux agents de surveillance viennent voir ce qui se passe. Les agents leur demandent de venir vers eux et ils isolent Victor du reste du groupe.

Ce soir-là, le jeune travesti de 6 pieds 4 pouces, 350 livres, est le seul à recevoir une contravention de 125$ en vertu du règlement R-O36 qui interdit à quiconque «de crier, de clamer, de flâner, de se livrer à une altercation ou à toute autre forme de tapage».

L'un des deux agents qui est intervenu ce soir-là, Réginald Michaud, a donné une version différente des événements, hier, à la cour. L'agent a décrit Victor comme un homme aux allures d'un «joueur de basket», qui «criait fort», «frustré» que la distributrice de billets ne fonctionne pas. Il a même frappé la machine, a-t-il insisté, alors que cette information n'est pas inscrite sur le constat d'infraction.

L'agent n'a pas inscrit, non plus, dans le document produit en preuve, que Victor était avec des amis ce soir-là. «À plusieurs reprises, il a mentionné qu'il allait faire un show avec mon constat dans le Journal de Montréal», a poursuivi l'agent.

Le magistrat l'a toutefois interrompu dans ses explications. Il l'a prévenu que ce qui est survenu après la remise de la contravention ne l'intéressait pas. Il voulait connaître le motif pour lequel l'agent avait décerné le constat d'infraction. Point final. L'agent a alors répété que le jeune homme «criait fort» au point où il attirait l'attention d'autres usagers du métro.

Après avoir entendu les arguments de la procureure et de Victor Junior Roberge, le juge a tranché que la poursuite ne l'avait pas convaincu «hors de tout doute raisonnable» de la culpabilité du jeune homme. «Je suis fier d'être allé jusqu'au bout. J'ai mené ce combat pour moi et tous les autres homosexuels de Montréal qui sont victimes de discrimination», a lancé le jeune travesti à sa sortie de la cour.