Le débat sur les droits et obligations des conjoints de fait se transporte devant la Cour suprême du Canada. Le plus haut tribunal du pays a accepté, jeudi, de se prononcer sur l'affaire «Éric contre Lola».

Rappelons que «Lola» réclamait pour elle-même une pension alimentaire de 56 000$ par mois à son ex-conjoint de fait, «Éric», riche homme d'affaires québécois, ainsi que le partage du patrimoine familial. La Cour d'appel, l'automne dernier, lui a refusé l'accès au patrimoine familial puisque le couple n'était pas marié, mais elle lui a quand même accordé le droit de réclamer une pension alimentaire pour elle-même.

À la suite de cette décision, Québec avait annoncé son intention de porter l'affaire devant la Cour suprême, laquelle vient d'accepter de l'entendre. Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, s'est réjoui de cette annonce. «Pour une question aussi importante que celle-là, il faut avoir tous les paramètres. La Cour d'appel avait plus que limité la capacité du législateur de faire des choix - elle avait presque fait une loi, a expliqué le ministre Fournier, jeudi, à Québec. C'est important pour nous de connaître la marge de manoeuvre du législateur et, après cela, de prendre la bonne décision.»

L'un des avocats de Lola, Me Guy Pratte, s'est dit «heureux» de la décision de la Cour suprême. Il a indiqué par voie de communiqué qu'aucune entrevue ne serait accordée avant que la cause soit entendue, «afin de respecter l'intégrité du processus judiciaire».

En décembre dernier, l'autre avocate de Lola, Me Anne-France Goldwater, avait critiqué la réaction du gouvernement québécois: «Nous sommes la seule province canadienne qui empêche les conjoints de fait de demander une pension alimentaire. Et le gouvernement décide maintenant de dépenser l'argent des contribuables pour refuser d'évoluer.»

Cette affaire pourrait changer la vie de quelque 1,2 million de Québécois qui vivent en union libre, soit le tiers des couples de la province. Il s'agit de la plus forte proportion au Canada.

Aujourd'hui séparés, Lola et Éric ont vécu ensemble pendant plus de sept ans. Lola reçoit déjà une pension de 411 000$ par année pour les trois enfants qu'elle a eus avec le prospère homme d'affaires. Éric fournit aussi une maison très luxueuse et un chauffeur. Mais, officiellement, Lola ne reçoit rien pour elle. Elle réclame une pension alimentaire personnelle de 56 000$ par mois et 50 millions du patrimoine familial.

En novembre dernier, la Cour d'appel du Québec a invalidé l'article 585 du Code civil au motif qu'il est discriminatoire de priver les conjoints de fait qui se séparent de la possibilité d'obtenir une pension alimentaire pour leurs propres besoins.

De son côté, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec estime que la province n'avait pas besoin de demander à la Cour suprême de trancher le débat. «On aurait préféré qu'un débat public sur l'encadrement juridique des conjoints de fait se tienne ici, au Québec, question de déterminer nous-mêmes les balises», a expliqué sa directrice générale, Sylvie Lévesque.