L'unité permanente anticorruption (UPAC) a maintenant un patron, mais elle cherche encore des procureurs pour pourvoir les nouveaux postes disponibles. Le commissaire de l'UPAC sera finalement Robert Lafrenière, ancien directeur des services d'enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec, qui jusqu'à sa nomination était sous-ministre associé à la direction générale des affaires policières au ministère de la Sécurité publique.

«Mais sans procureurs, l'unité restera une coquille vide», prévient Me Christian Leblanc, président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP). Le mois dernier, le gouvernement Charest imposait à ses procureurs une deuxième loi spéciale en cinq ans pour court-circuiter la négociation et leur imposer des conditions de travail. Indignés, plus de 420 des 450 procureurs du Québec s'étaient alors engagés par écrit à ne pas appliquer aux postes ouverts dans l'UPAC. «Et ça vaut encore», dit Me Leblanc. Il précise qu'il s'agissait d'une initiative volontaire des procureurs, et non d'un mot d'ordre de son association.

Recrutement

Pour attirer les procureurs, M. Lafrenière offrira-t-il une bonification salariale ou de meilleures conditions de travail? Il refuse pour l'instant de s'avancer, en expliquant que ces questions relèvent du patron des procureurs, Me Louis Dionne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Au bureau du DPCP, personne ne nous a rappelés mercredi.

Cette méthode irrite les procureurs. «Ce sont deux patrons qui décident de ce qu'ils vont nous offrir. Encore une fois, je n'appelle pas cela de la négociation», se plaint Me Leblanc. Les procureurs disent n'avoir reçu aucun appel du gouvernement depuis l'imposition de la loi spéciale. Le vice-président de l'APPCP, Me Thomas Jacques, indique même que l'escouade Marteau, qui relèvera de la nouvelle unité anticorruption, pourrait perdre des procureurs. «Certains procureurs réévaluent maintenant leur désir d'y rester en poste», rapporte-t-il.

Cet imbroglio doit ennuyer le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil. L'UPAC constituait la réponse du gouvernement aux scandales sur l'industrie de la construction et aux demandes répétées en faveur d'une enquête publique sur l'industrie de la construction. Mercredi, le ministre a rappelé que M. Lafrenière, dont le mandat dure cinq ans, dispose des pouvoirs d'enquête et de recommandation. Il a aussi soutenu qu'une enquête publique nuirait à l'UPAC à cause de sa «décoordination» avec les enquêtes policières et aussi à cause de l'immunité qu'obtiennent les témoins au sujet de révélations faites durant la commission d'enquête.

M. Lafrenière n'a pas voulu dire s'il était d'accord avec le ministre Dutil ni s'il croyait qu'une commission d'enquête nuirait à son travail. «Ce n'est pas de mon ressort», a-t-il justifié. Il assure se sentir «tout à fait indépendant», même s'il est nommé par le conseil exécutif et non par l'Assemblée nationale.