Les avocats tentés par la magistrature peuvent mettre leur CV à jour: Québec va bientôt ouvrir les vannes en recrutant plusieurs juges.

Pas moins de 15 nouveaux juges seront nommés par Québec avant la fonte des neiges, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne.

La Commission Bastarache sur le processus de nomination des juges et le plan de compressions budgétaires annoncé au printemps par le gouvernement ont fait en sorte de ralentir le processus pour combler les postes vacants à la magistrature, tant dans les tribunaux judiciaires qu'administratifs.

À la clé, faute d'effectifs suffisants, les délais dans le traitement des causes ont été à l'avenant.

Le 31 janvier, la Cour du Québec, où l'on trouve un maximum de 270 juges, comptait une douzaine de postes à combler. Neuf postes sont toujours dans le processus de sélection depuis le mois de juin 2010.

Mais c'est du côté du Tribunal administratif du Québec (TAQ) que les besoins à court terme ont été jugés les plus criants. De la centaine de postes de juges à temps plein du tribunal, une quinzaine sont vacants depuis environ un an.

Québec nommera donc 15 nouveaux juges au TAQ dans les prochaines semaines.

Le nombre de magistrats y passera de 77 à 92, un bond de 16 pour cent, «un nombre jamais atteint depuis les années 2000», a calculé le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, en confirmant l'ajout «dans les prochaines semaines» de nouvelles ressources.

Il soutient que le délai à procéder n'était pas dû aux allégations de trafic d'influence de Marc Bellemare et à la tenue de la Commission Bastarache, qui a remis son rapport en janvier, mais bien aux compressions budgétaires qui affectent tout l'appareil de l'État.

«On vit avec le contexte budgétaire», a-t-il dit lors d'un entretien.

C'est justement ce qu'a reproché le juge Michel Bastarache au gouvernement dans son rapport, dont une dizaine des 46 recommandations portaient précisément sur le TAQ.

Pourtant, lorsque le ministre Fournier a annoncé, la semaine dernière, une série de modifications au processus de sélection et de nomination des juges pour donner suite au rapport Bastarache, pas une seule ne portait sur le tribunal administratif.

Toutes les mesures de resserrement du processus visant à le rendre plus étanche aux influences partisanes visaient exclusivement la Cour du Québec et la cour municipale.

Pour les juges du TAQ, Québec procède comme avant, comme si de rien n'était.

Interpellé sur ce fait en entrevue, le ministre Fournier a fait valoir que dans le cas du TAQ les nominations relevaient davantage des emplois supérieurs du gouvernement, l'organisme étant lié à l'exécutif sur le plan budgétaire. Selon lui, ce n'est donc pas tant la menace éventuelle d'influence partisane qui pose problème, dans ce cas, que la disponibilité de ressources financières.

«On n'est pas tellement dans la zone politique. On est dans la zone de l'administration publique», a plaidé M. Fournier.

Or, il reste qu'à la base, les deux processus de nominations sont semblables: des comités de sélection qui étudient des candidatures, puis des nominations politiques, à la suite de recommandations du ministre de la Justice, confirmées par le conseil des ministres.

Sur la question financière, la commission Bastarache concluait qu'il lui apparaissait «inutile» de mettre en place un processus de nomination rigoureux si, en raison de contraintes budgétaires, le gouvernement choisissait de ne pas combler des postes de juges ou d'en retarder l'annonce. Cela pourrait miner l'indépendance du TAQ, voire l'empêcher, en fait, de remplir adéquatement son mandat, écrit le juge Bastarache.

Sur ce point, le ministre Fournier n'a pas voulu se mouiller.

«Est-ce que le TAQ est soumis ou non aux compressions budgétaires de l'État? C'est ça le débat qui est à Bastarache», un débat qui viendra alimenter la «réflexion» du gouvernement quant au statut futur du tribunal, a-t-il dit.