La grève des procureurs de la Couronne aurait joué dans trois cas d'acquittement prononcés hier par des juges de Longueuil et de Montréal, a appris La Presse.

Déjà, le premier acquittement causé par cette grève dérange le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) au point où il songe à interjeter appel, toujours selon nos sources.

Le DPCP fait une évaluation quotidienne des conséquences sur le système judiciaire québécois de la grève déclenchée mardi par les 450 procureurs de la Couronne. Il a ainsi répertorié trois causes qui se sont soldées par un acquittement, hier, dans lesquelles la grève a probablement joué un rôle.

À Longueuil, un résidant de Toronto accusé d'excès de vitesse a été acquitté. Il avait fait le voyage jusqu'à Montréal pour comparaître. Le procureur de la Couronne a demandé le report de la cause en raison de la grève. Le juge a préféré acquitter l'accusé plutôt que de le forcer à revenir au Québec à une date ultérieure.

Toujours à Longueuil, deux personnes inculpées de vol, de voies de fait et de menaces devaient avoir leur enquête préliminaire, hier. Or, la victime avait déjà indiqué au procureur de la Couronne qu'elle voulait laisser tomber sa plainte. Comme la victime était de nouveau absente, hier, et que le procureur de la Couronne était en grève, le magistrat a libéré les deux accusés.

À Montréal, un homme accusé d'introduction par effraction et de vol a été acquitté après que la Couronne eut demandé une remise de la cause en raison de la grève. La Couronne avait déjà demandé une remise parce que la victime ne s'était pas présentée à l'enquête préliminaire. Le juge a décidé d'acquitter l'accusé plutôt que de reporter le procès. «Dans les deux derniers cas, le dénouement aurait pu être semblable s'il n'y avait pas eu la grève, comme il aurait pu être différent», a dit Me Martine Bérubé, porte-parole du DPCP.

La veille, faute de procureurs au palais de justice de Sherbrooke, une femme de 41 ans inculpée de menaces de mort qui devait avoir son procès a été acquittée. Le juge Conrad Chapdelaine, de la Cour du Québec, a refusé de reporter la cause parce que c'était la troisième fois que la poursuite demandait une remise.

«La possibilité d'interjeter appel de cette décision n'est pas exclue», a dit Me Bérubé à La Presse. L'accusée était en liberté en attente de son procès. En vertu de la Loi sur les services essentiels, seules les causes des personnes détenues doivent être entendues, mais le juge Chapdelaine a insisté pour procéder. Un cadre de la poursuite, chargé d'offrir les services essentiels, a tenté sans succès de convaincre le juge de remettre la cause une nouvelle fois.

De nombreux reports

Outre ces acquittements, on a assisté à un festival de reports de dossiers, hier, dans les tribunaux des quatre coins de la province. Le DPCP n'est pas encore en mesure de les chiffrer. «Pour le moment, toutes nos énergies sont consacrées à fournir les services essentiels», souligne Me Bérubé.

Même son de cloche au ministère de la Justice: «Pour l'instant, il n'y a pas d'impact majeur sur les causes civiles. On suit la situation de près», a indiqué sa porte-parole, Johanne Marceau.

Les 450 procureurs de la Direction des poursuites criminelles et pénales du Québec réclament un rattrapage salarial de 40% pour obtenir la parité avec leurs homologues du reste du pays. Le gouvernement du Québec parle plutôt d'un écart de 10 à 12%.

L'Association des procureurs des poursuites criminelles et pénales du Québec (APPCP) estime qu'il manque au moins 200 procureurs de la Couronne et des centaines de recherchistes et de secrétaires pour être en mesure d'offrir un service adéquat à la population.

Le gouvernement a offert la création de 60 postes de procureur supplémentaires ainsi qu'une majoration salariale de 10%. Une proposition nettement insuffisante aux yeux des procureurs de la Couronne. Les juristes de l'État, aussi en grève, demandent également un rattrapage salarial par rapport à leurs homologues des autres provinces.