C'est définitivement la fin de la chasse aux images et aux entrevues par les journalistes dans les corridors des Palais de justice du Québec, a fait savoir vendredi la Cour suprême du Canada.



Dans un jugement unanime, le plus haut tribunal du pays a confirmé la validité des règles visant à empêcher les reporters de faire ce qu'ils veulent dans les cours de justice.

L'interdiction de diffuser les enregistrements sonores officiels des audiences est aussi maintenue par la Cour.

Il s'agit d'un revers pour les médias qui réclamaient une plus grande liberté pour rendre compte au public du déroulement des procès.

Ces règles sont en vigueur depuis 2005: choqués par les «débordements» des médias, les juges de la Cour supérieure de la province avaient édicté en 2005 une série de directives pour les encadrer.

Ils souhaitaient ainsi interdire aux journalistes de pourchasser les accusés dans les moindres racoins des palais de justice, de filmer des victimes dont l'identité devait rester secrète et de bloquer l'accès aux salles d'audience.

Les règles visaient à protéger les témoins et les victimes et à veiller au bon déroulement des procès, avaient alors fait valoir les juges.

Avec les cohues entourant les procès très médiatisés, comme ceux du boxeur Dave Hilton et du motard Maurice «Mom» Boucher, certains juges craignaient même que des victimes évitent de témoigner plutôt que de faire face aux médias.

Depuis la mise en place des directives, les reporters n'avaient plus le droit de se masser près des portes des salles d'audience (l'intérieur était déjà hors limite) pour filmer ou questionner des témoins ni de les suivre dans les corridors.

Chaque palais de justice a maintenant une zone bien circonscrite pour effectuer les entrevues: les journalistes doivent ainsi convaincre les personnes qu'ils souhaitent interviewer de s'y rendre.

Les journalistes ont contesté et cherché à faire annuler toutes ces directives qui portent, selon eux, atteinte à leur liberté d'expression protégée par les Chartes des droits, à la liberté de la presse et à la qualité de leurs reportages.

Étant contraints de toujours filmer au même endroit, les images sont moins variées et moins percutantes, avaient-ils plaidé. Sans compter que parfois les témoins et les avocats réussissaient à leur échapper complètement.

Une atteinte certes à leur liberté, mais qui est cependant minime et justifiée, ont tranché les neuf juges de la Cour suprême, tout comme l'avaient fait les tribunaux inférieurs qui avaient entendu les arguments des médias.

«Je suis d'avis que les mesures sont «soigneusement adaptées de façon à ce que l'atteinte aux droits (des journalistes) ne dépasse pas ce qui est nécessaire»', a conclu la juge de la Cour suprême, Marie Deschamps, qui a rédigé le jugement.

La Cour explique que les objectifs poursuivis par les règles sont urgents et bien réels.

L'interdiction de filmer et de photographier - qui est partielle et non totale, rappelle la Cour suprême - est justifiée par le respect de la vie privée des accusés et des témoins. Le comportement des médias risque de leur causer du stress et de l'angoisse, ce qui peut interférer avec leur témoignage et minait la recherche de la vérité lors d'un litige.

«Il appert que la présence accrue des journalistes créait un stress important pour les témoins et leur famille. Des témoins ont refusé de témoigner ou de poursuivre leur témoignage après avoir été filmés ou photographiés par des représentants des médias», a relevé la juge.

Quant aux bandes sonores des procès, la Cour estime que leur rôle premier est de conserver la preuve. Même sans elles, les journalistes sont en mesure de rapporter avec exactitude les propos des témoins.