Mener à terme le procès que le tueur de Concordia intente à cinq anciens collègues, presque 19 ans après la tuerie, est une grande résolution que le juge François Rolland a prise au début de l'année. Et pour la tenir, il est prêt à aller visiter la cellule de Valery Fabrikant, à lui fournir du savon et même à aller lui-même lui acheter des chaussettes de laine pour le tenir au chaud.

«Y a-t-il quelqu'un qui a des chaussettes de laine à fournir à M. Fabrikant?» a demandé le juge Rolland aux gens qui se trouvaient dans la salle d'audience, hier après-midi.

Le juge en chef de la Cour supérieure, qui a décidé de présider lui-même ce procès plutôt que de l'imposer à ses juges, a expliqué qu'il voulait ainsi éviter les distractions inutiles. Il a dit qu'il irait lui-même acheter des chaussettes s'il le fallait.

Depuis le début du procès, lundi, Fabrikant s'est plaint de différentes choses, comme de la saleté de sa cellule au palais de justice (à vomir, selon lui), du fait qu'il n'y a pas de savon et qu'il a froid aux pieds. Interrogé à ce sujet, l'un des responsables de la détention a indiqué que la cellule nº 31 (celle de Fabrikant) avait été lavée et désinfectée comme les autres. En ce qui concerne le savon, c'est simple, on n'en fournit pas aux détenus, puisqu'ils sont en transit, a-t-il dit. Le juge lui a alors demandé de faire un effort pour en fournir à Fabrikant. Quant à la propreté de la cellule, le juge a indiqué qu'il irait lui-même voir ce qu'il en est. «Je vais aller faire mon petit tour dans la cellule demain matin», a-t-il dit, en précisant qu'il n'apporterait cependant pas son Ajax.

Le procès doit durer trois semaines et demie. Pour en venir à bout, peut-être même en un temps plus court, le juge a fait comprendre aux avocats et aux agents de la détention qu'il ne fallait pas «s'enfarger dans les fleurs du tapis».

Fabrikant, ex-professeur de génie mécanique qui a abattu quatre collègues en août 1992, purge une peine de prison à vie pour ses crimes. Il a intenté la poursuite civile dont il est question ici en avril 1992. Il réclame 600 000$ en dommages à cinq professeurs, parce qu'il s'est senti obligé de mettre leur nom sur des écrits scientifiques qu'il dit avoir rédigés seul. Le procès a commencé en 2007. Fabrikant a exaspéré deux juges. La seconde, la juge Hélène Morneau, y a mis fin abruptement. La Cour d'appel a ordonné que le procès reprenne là où il avait été interrompu.

Fabrikant, qui aura 71 ans dans quelques jours, a été déclaré plaideur quérulent en 2000. Le présent procès a pu continuer parce qu'il avait intenté sa poursuite avant.