Les actes criminels contre les Rizzuto se poursuivent. Après l'assassinat des principaux pontes du clan sicilien montréalais, le salon funéraire Loreto, appartenant à la famille, a été le théâtre d'un incendie criminel dans la nuit de mercredi à hier. Trois hommes soupçonnés d'être les auteurs de ce crime qui a finalement fait peu de dégât ont été épinglés dans les minutes suivantes, près des lieux.

Sounthone Chareunsouk, 30 ans, Alexandre Toualy et Julien Bourassa-Richer, tous deux âgés de 27 ans, ont comparu hier après-midi devant le juge Claude Parent, à Montréal, pour répondre à des accusations d'incendie criminel, de possession de matières incendiaires, de complot et d'avoir causé des dommages par le feu à un immeuble sans se soucier de savoir s'il était habité ou non. Chareunsouk est aussi accusé de possession de cocaïne. Le procureur de la Couronne Pascal Dostaler s'est opposé à leur mise en liberté. Ils seront de retour devant le tribunal lundi, pour subir leur enquête sous cautionnement.

Les trois hommes ont tous des antécédents judiciaires, mais c'est Chareunsouk qui a le plus lourd dossier. Outre des condamnations reliées à la drogue, il a été condamné à 27 mois de prison en janvier 2006, pour vol qualifié. En novembre dernier, il devait se présenter à la cour pour une affaire de trafic de marijuana, mais il a omis de le faire, ce qui lui a valu une accusation de plus. Toualy a pour sa part été condamné en juin 2003 pour vol qualifié, menaces et usage d'arme à feu.

«Ce sont de bonnes personnes, mais la vie est dure», a dit une jeune femme qui, après avoir reçu un appel des policiers, s'est présentée au palais de justice, hier, pour apporter des vêtements à Toualy. Lors de sa comparution, ce dernier lui envoyait des salutations et des baisers, et s'est inquiété de son chien, que personne ne pouvait secourir dans son logement, car les policiers avaient sa clé.

Contre la famille?

Situé sur le boulevard des Grandes-Prairies, à Saint-Léonard, le salon funéraire Loreto appartient à des membres de la famille Rizzuto, notamment au consigliere Paolo Renda, disparu en mai dernier. L'endroit serait dirigé par la fille et la belle-fille du patriarche Nicolo Rizzuto, assassiné dans son domicile en novembre dernier. Vers 1h dans la nuit de mercredi à hier, deux des suspects auraient fracassé une vitrine à l'arrière du complexe, avant de balancer à l'intérieur un objet incendiaire, probablement un cocktail Molotov. Le tapis de l'entrée a pris feu, mais l'intervention rapide des pompiers a permis de limiter les dégâts. Les dommages étaient si mineurs que les activités avaient repris normalement hier matin. La direction du complexe funéraire n'a pas voulu commenter l'incident.

Trois suspects arrêtés

Un agent de sécurité, qui se trouvait apparemment à l'intérieur du complexe, aurait alerté rapidement les autorités, une information que Me Dostaler ne pouvait confirmer hier. Selon ce dernier, c'est un témoin à l'extérieur du complexe qui a appelé le 9-1-1, quand il a vu courir deux hommes en direction d'un véhicule. Grâce à la description des deux hommes et de la voiture, les policiers ont rapidement mis la main au collet des trois suspects quelques rues plus loin, sur le boulevard Crémazie. Ils se trouvaient dans la voiture de Bourassa-Richer, et sentaient l'essence.

Le SPVM n'a pas été en mesure d'affirmer si les suspects, qui sont connus de ses services, sont reliés au milieu interlope ou si le complexe a récemment fait l'objet de menace. Selon le chroniqueur judiciaire Claude Poirier, le salon Loreto avait reçu des menaces dans les jours suivants le meurtre de Nicolo Rizzuto, et plusieurs agents de sécurité avaient été embauchés lors de l'exposition du patriarche.

Purge interne? Riposte du clan calabrais qui veut reprendre le pouvoir perdu il y a plus de 30 ans aux mains des Siciliens? Conflit entre l'ancienne et la nouvelle garde de mafiosi? La police n'écarte aucune hypothèse pour expliquer les nombreux attentats contre le clan Rizzuto, qui éclatent depuis environ deux ans. Hier, en sortant de la salle d'audience, le procureur de la Couronne Pascal Dostaler, a signalé qu'il n'était pas à exclure que ça puisse être relié à la vague d'incendies criminels dirigée contre des commerces.

Une chose est sûre, les frappes policières d'envergure des dernières années, comme l'opération Colisée en 2006, ont fortement déstabilisé les assises du crime organisé. Ces agressions contre les hommes forts du clan Rizzuto et les cafés illustreraient l'instabilité qui règne actuellement dans la mafia montréalaise. Et un groupe d'individus semble présentement déterminé à ne pas donner de répit au clan Rizzuto. Pas même après la mort.