Un homme, deux identités. Accusé par un ancien élève d'avoir commis des agressions sexuelles à l'école Notre-Dame de Pohénégamook dans les années 60, Paul-Henri Héroux a aussi sévi deux décennies plus tard au Collège de Saint-Césaire sous le nom de François Héroux, a-t-on appris hier.

«C'est un seul et même homme», dit un ancien employé du collège Notre-Dame. En 1959, le frère Héroux portait encore son nom de religieux, Paul-Henri, une pratique abandonnée au cours des années 60. Il a alors repris son nom de baptême, François, sous lequel il est accusé d'avoir commis des sévices dans les années 80.

Le frère François Héroux est cité parmi les agresseurs du Collège de Saint-Césaire dans la requête produite il y a un mois pour autoriser un recours collectif contre la congrégation de Sainte-Croix. Selon ce document, le frère a agressé un élève deux fois en 1983-1984 et, chaque fois, lui a fait promettre le silence.

L'élève s'est confié à sa mère, qui a rencontré le directeur du Collège pour que les agressions cessent et que les autorités prennent des mesures contre le frère Héroux, dit la requête. Le frère Héroux a été renvoyé au siège montréalais de la congrégation.

Plusieurs avertissements

Les agressions du frère Héroux étaient bien connues. Selon un document auquel The Gazette fait référence dans l'enquête qui a, la première, levé le voile sur les agressions commises au collège Notre-Dame de Montréal en 2008, l'avocat de la congrégation a longtemps tiré la sonnette d'alarme. En vain.

«Personne n'a écouté et ce qui devait arriver arriva, écrit Me Émile Perrin en 2006. J'ai été appelé au milieu de la nuit pour aller à Saint-Césaire négocier un arrangement avec les parents hurlants d'un enfant abusé. Heureusement, j'ai pu raisonner le père de l'enfant, qui a finalement demandé que le frère Héroux quitte Saint-Césaire la nuit même, sans jamais revenir.»

Hier, La Presse a révélé que la congrégation de Sainte-Croix était accusée d'agressions sexuelles commises au début des années 60 dans le village de Saint-Éleuthère, aujourd'hui appelé Pohénégamook. Les frères de Sainte-Croix administraient l'école Notre-Dame, dont le frère Héroux a été directeur jusqu'en 1961, et où ses agressions étaient récurrentes, selon un ancien élève.

»Le frère Héroux était le pire»

Après la parution de notre article, un autre élève de l'école Notre-Dame nous a fait part de son histoire. «Le frère Héroux était le pire», se souvient Réjean (prénom fictif), qui a fréquenté l'école Notre-Dame jusqu'en 1961, où il a été une fois victime du frère Héroux. «C'était pendant le visionnement d'un film. La salle était pleine, il était assis à côté de moi. Ça s'est fait dans la noirceur», explique-t-il.

Le frère Héroux est mort en 1993 à l'âge de 73 ans, sans jamais avoir été inquiété pour ses agissements. Visée par une demande de recours collectif pour des agressions commises au collège Notre-Dame et au collège Saint-Césaire, la congrégation de Sainte-Croix vient d'accepter une offre de médiation des victimes. Une première rencontre entre les avocats aura lieu la semaine prochaine, à Montréal. Jointe hier, la congrégation n'a pas voulu répondre à nos questions.