Jugé pour meurtre non prémédité, Cedric Stark soutient qu'il a agi par légitime défense quand il a poignardé Vaughn Williams dans le dos, le 23 septembre 2008. Cet unique coup de couteau, qui a causé la mort de la victime de 23 ans en quelques minutes, a clos de sinistre façon un différend qui mettait en jeu une trentaine de dollars.

«Il était enragé, il était comme une bête féroce. J'ai vu un objet brillant arriver vers moi, je l'ai pris (un couteau). J'étais pris dans le coin. Je lui ai donné un coup de couteau pour sortir de l'édifice», a raconté Stark, hier, alors qu'il témoignait pour sa défense. Il soutient que le couteau ne lui appartenait pas. Il prétend l'avoir arraché des mains de Williams, qui le «rouait de coups» dans le vestibule de l'immeuble où il habitait, chemin Queen-Mary.

Vêtu d'un complet, les cheveux coupés court, l'accusé, âgé maintenant de 22 ans, a reconnu que, en 2008, il fumait de la marijuana chaque jour, par plaisir. Selon son récit, la veille du drame, il avait donné 45$ à Williams pour acheter la drogue. Williams lui aurait remis 1 g sur le moment et devait lui donner 6 grammes supplémentaires plus tard. Mais Stark n'a pas obtenu la marchandise ce jour-là. Le lendemain, il a «texté» et appelé Williams à plusieurs reprises. Stark était frustré que l'autre montre si peu d'empressement. Finalement, Williams a dit à Stark de venir le rejoindre devant chez lui, chemin Queen-Mary. Il était 20h35.

Stark s'y est rendu avec un ami. Williams était avec son colocataire. Williams et Stark se sont retirés dans le vestibule de l'immeuble pour discuter. Stark soutient que Williams était agressif, qu'il lui a crié: «Pour qui tu te prends? Tu ne sais pas à qui tu as affaire!» Selon le récit de Stark, Williams s'est mis à le frapper partout sur le corps et a même sorti un couteau. Stark le lui a arraché, a donné un coup à Williams et s'est enfui. Dehors, il a trébuché et le couteau lui est tombé des mains. Il l'a repris et a continué sa course. Pendant ce temps, Williams est sorti du vestibule en s'écriant «il m'a poignardé!» puis s'est effondré.

Stark affirme que, dans sa fuite, ce soir-là, il a lancé le couteau quelque part dans la rue Saint-Kevin avant de se réfugier chez un ami. Vers 6 h, il a appris que la police était à ses trousses et que Williams était mort. «Je ne voulais pas le croire», a-t-il dit hier.

Stark s'est livré à la police le matin même. Dans la journée, il a montré aux policiers l'endroit où il disait avoir jeté le couteau, qu'on n'a jamais retrouvé.

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne, Pierre Labrie, s'est montré bien sceptique face à la version de l'accusé. Ce dernier prétend s'être gravement coupé à un doigt au cours de sa bagarre avec la victime, qu'il saignait beaucoup et a dû avoir des points de suture dans la soirée. Pourtant, pas une goutte de son sang n'a été trouvée dans le vestibule où le drame s'est produit.

Me Labrie a plutôt tenté de faire dire à Stark que c'est lui qui avait apporté le couteau et que, une fois sur place, il avait «pété sa coche» et poignardé Williams, alors que celui-ci lui tournait le dos. «Vous avez ramassé le couteau pour ne pas laisser de preuve», a ajouté Me Labrie. L'accusé a nié tout cela. «J'ai pété aucune coche... Ce n'est pas comme ça que ça s'est passé, Me Labrie», a-t-il dit.

Le procès devant jury, présidé par le juge Claude Champagne, en est à sa troisième semaine et se poursuit ce matin. L'accusé est défendu par Me Pascal Lescarbeau.