Un juge de la Cour suprême de Colombie-Britannique a décidé lundi que les caméras ne seraient pas admises dans la salle d'audiences où il doit décider si les lois canadiennes en matière de polygamie devraient être maintenues.

Plusieurs témoignages d'experts des modes de vie polygames devraient être entendus. Parmi eux se trouveront des membres d'une secte religieuse vivant dans la communauté britanno-colombienne de Bountiful, qui pratique les mariages multiples.

Le réseau anglais de Radio-Canada arguait que puisqu'il s'agissait d'un débat d'intérêt public, les procédures devraient être diffusées en ligne et à la télévision.

Mais le juge Robert Bauman a rappelé que les politiques en vigueur dans la province permettent la télédiffusion des audiences judiciaires à condition que toutes les parties y prenant part donnent leur consentement.

Or, si la plupart d'entre elles ont accepté, un avocat du gouvernement fédéral s'est opposé lundi à la requête de la CBC.

Le magistrat a aussi fait remarquer que la question de la présence de caméras dans les salles d'audiences était complexe et nécessitait un débat prudent. Le juge Bauman a dit regretter de ne pouvoir le faire dans ce cadre, parce que la CBC avait fait sa demande très tardivement.

La requête de la CBC a été soumise au premier jour des procédures destinées à déterminer si les lois canadiennes contre la polygamie violent le droit à la liberté de religion inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés.

La CBC plaidait que cette cause était «historique».

Le tribunal prévoit passer les prochains deux mois à entendre un peu moins d'une quarantaine de témoins, dont des experts universitaires et des anciens résidants de Bountiful.

Plusieurs observateurs ont dit croire que ce dossier devrait se retrouver devant la Cour suprême du Canada.

CBC souhaitait pouvoir filmer les audiences pour son réseau télévisé et afin de les retransmettre en direct sur son site internet, une pratique extrêmement rare dans les tribunaux canadiens.

«Vous avez souligné dans votre introduction qu'il s'agissait d'un événement historique», a lancé l'avocat de la CBC, Dan Henry, devant le juge Bauman, qui avait ainsi qualifié le dossier quelques minutes plus tôt.

«On n'a qu'à observer le nombre d'avocats qui sont devant vous pour comprendre qu'il s'agit d'un cas d'importance et d'intérêt public», a-t-il continué.

Le seul tribunal à télédiffuser régulièrement ses procès est la Cour suprême du Canada. Certaines autres cours ont parfois permis à des caméras de filmer les audiences, avec la permission du juge.

Plus tard lundi, un avocat représentant le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis en garde le juge Robert Bauman contre une décision qui ferait du Canada le seul pays occidental à légaliser les mariages multiples.

Craig Jones a affirmé qu'il présentera des preuves indiquant que le déclin de la polygamie était lié au développement de la démocratie et des sociétés égalitaires.

Selon lui, toutes les formes de polygamie contribuent à la discrimination contre les femmes et à la sexualisation des jeunes filles. Il a annoncé qu'il tenterait de convaincre le tribunal que le mode de vie de la secte installée à Bountiful et de d'autres communautées mormones aux États-Unis engendrait des mariages de fillettes, un taux plus élevé d'enfantement à l'adolescence et au trafic de jeunes filles.