Les agences fédérales de renseignement n'accepteront pas d'être pointées du doigt au sujet d'un homme de la région de Toronto, détenu pendant plus de huit ans en vertu d'un certificat de sécurité nationale, et qui vient tout juste d'être relâché sans accusations.

Le gouvernement soutient, dans des documents présentés à la cour, que la poursuite d'Hassan Almrei devrait être mise de côté, argumentant que les officiers canadiens ont agi de bonne foi et ont interagi afin de protéger la population.

Toutes les mesures prises par les agents fédéraux étaient «légales et en accord avec les directives de la législation concernée», indique le document déposé à la Cour supérieure de justice de l'Ontario.

Il s'agit du dernier épisode de démêlés de M. Almrei avec les autorités.

L'homme de 36 ans, originaire de Syrie, poursuit le gouvernement fédéral pour négligence et détention arbitraire.

M. Almrei a déposé la poursuite plus tôt cette année, faisant état «d'échecs énormes et d'erreurs» de la part de plusieurs agences fédérales, dont le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

L'homme avait déclaré, dans une entrevue accordée à l'époque, qu'il avait besoin de savoir pourquoi ces événements étaient arrivés et que quelqu'un devait en être tenu responsable.

Le procès - un parmi plusieurs intentés par d'anciens suspects terroristes - pourrait aider à déterminer les limites de la responsabilité gouvernementale lorsque des individus sont touchés par la lutte contre l'extrémisme.

Une avocate de M. Almrei, Nicole Chrolavicius, a indiqué lundi qu'elle demanderait à la cour ontarienne, à l'occasion des audiences prévues pour la mi-février, de trancher en fonction de ce qui est déjà présent dans le dossier.

En décembre dernier, un juge de la Cour fédérale, Richard Mosley, avait démis le certificat de sécurité contre M. Almrei, qui a été arrêté en octobre 2001 en raison de soupçons d'activités terroristes.

Les certificats de sécurité sont des outils rarement utilisés pour des arrestations et déportations de personnes soupçonnées de terrorisme et d'espionnage.

Le gouvernement avait retouché le système de certificat après que des éléments eurent été jugés inconstitutionnels en 2007. Il avait alors émis un nouveau certificat contre M. Almrei en vertu du système révisé en février 2008.

Dans son jugement sévère de décembre 2009, le juge Mosley avait indiqué que le SCRS et les membres du cabinet ministériel fédéral avaient manqué à leurs devoirs «de bonne foi et de sincérité» à la cour en n'examinant pas sous tous les angles l'information présente du dossier avant d'émettre un nouveau certificat.

Le gouvernement a longtemps soutenu que les voyages de M. Almrei, de même que ses activités et son implication avec de faux documents étaient compatibles avec les partisans du réseau d'Al-Qaïda.

Le juge Mosley a déclaré qu'il y avait des raisons valables de croire que M. Almrei était un danger public au moment où il a été détenu juste après les attentats du 11-Septembre aux États-Unis - mais que cette croyance n'était plus valide en décembre 2009.

M. Almrei, dont les allégations n'ont pas été prouvées en cour, demande 16 millions en dommages et toute autre somme que la cour jugerait appropriée.

La poursuite implique le SCRS, la Gendarmerie royale du Canada, le ministère de l'Immigration et l'Agence des services frontaliers. On y fait mention de dommages pour des erreurs alléguées incluant une enquête négligée, détention arbitraire, abus des fonctions publiques, diffamation et manquements au respect de la Charte des droits.

Le gouvernement nie tout dommage, soutenant que le jugement de Richard Mosley n'ouvre pas la porte à des réclamations. Le juge a plutôt simplement décidé si le certificat de sécurité de M. Almrei devait être conservé ou non.

«Ses demandes n'ont pas été faites afin de déterminer la responsabilité légale d'aucun défendant impliqué dans le présent cas et ne constituent pas une preuve de responsabilité», indique le document gouvernemental.

Les avocats de M. Almrei ont répliqué que la décision du juge Mosley était «une démonstration finale de faits» qui donnait matière à une poursuite.

«Il a fait la démonstration cinglante de nombreux faits, a déclaré en entrevue Me Chrolavicius. Et si nous observons ces faits, si cela ne correspond pas à une enquête négligée ou à une faute des fonctions publiques, vraiment, je ne sais pas de quoi il s'agit.»