Pour aider un témoin à charge qui traversait une mauvaise passe, en septembre 2008, les policiers lui ont fourni une chambre d'hôtel à Longueuil et une marge de crédit pour assurer ses besoins essentiels. Ce témoin, Brian Gortler, en a profité pour offrir le champagne à son fournisseur de cocaïne, qui le remboursait en drogue.

C'est ce qu'on a appris, mardi, alors que Gortler était contre-interrogé par Me Pierre Poupart au procès de Benjamin Hudon-Barbeau.

Ce dernier, âgé de 33 ans, est accusé d'avoir commis deux meurtres non prémédités au bar Upperclub dans la nuit du 24 octobre 2006, à la suite d'une soudaine querelle. Gortler, qui était videur pour les Hells Angels à l'époque, assurait la sécurité de Hudon-Barbeau et de quelques autres à l'Upperclub ce soir-là. Il affirme avoir vu quelque chose qui ressemblait à une arme dans les mains de Barbeau, après qu'un coup de feu eut atteint l'une des deux victimes. Gortler est donc un témoin très important au procès puisque seule une autre personne, ex-vendeuse de drogue pour les Hells Angels, dit avoir vu une arme dans les mains de l'accusé.

Adepte du crack

Gortler, un géant qui fait plus de 2m, a lâché les Hells Angels peu de temps après l'incident, vers la fin de 2006. Adepte de la cocaïne, il a ensuite tenté de vendre de la drogue à gauche et à droite dans la rue pour se procurer son crack. Il n'avait pas d'adresse fixe. En janvier 2007, il a été arrêté au cours d'une rafle. Quelques mois plus tard, il a été interrogé au sujet des meurtres de l'Upperclub et a consenti à collaborer.

Comme il craignait pour sa vie, il a obtenu la protection de la police, qui l'a logé et lui a versé une allocation de 400$ par semaine. En retour, il devait marcher droit et ne pas se mettre lui-même en danger.

Mais voilà, il n'a pas respecté sa part du contrat. Un mois après, Gortler a été impliqué dans un enlèvement à Kingston, une affaire de motards au sujet d'un vol de moto. Le ministère public a rompu son contrat, et Gortler est revenu à Montréal.

Sans le sou, sans toit et sans ami, Gortler a alors appelé un des enquêteurs qui l'avait interrogé au sujet de l'affaire Hudon-Barbeau. Il a fini par obtenir la chambre d'hôtel à Longueuil et la marge de crédit.

Pour se procurer de la drogue, il a acheté des montres et des bijoux à diamants avec la marge de crédit de la police, ainsi que des bouteilles d'alcool, dont du champagne. Il a invité son vendeur de drogue à l'hôtel et lui a «payé la traite». Gortler a dépensé des milliers de dollars pour obtenir de la cocaïne qui valait à peine 200 ou 300$, a fait ressortir Me Poupart, qui s'emploie à miner la crédibilité du témoin. Le contre-interrogatoire se poursuit ce matin, devant le juge Jean-Guy Boilard.

Hier, à la fin de l'audience, Gortler a perdu patience à l'extérieur de la salle d'audience. Il s'est plaint du fait que l'un des spectateurs, dans la salle, manifestement un ami de l'accusé, l'avait bousculé sans que personne n'intervienne. Gortler parlait fort, disait qu'il aurait pu se faire tuer.

«Ne me touchez pas, je ne veux plus de votre protection», a-t-il lancé aux policiers et constables spéciaux qui l'entouraient. Pendant ce temps, des amis de l'accusé l'ont raillé. Quelqu'un l'a traité de «Géant vert».