Pour se venger de la firme d'huissiers Paquette et Associés, qui avait posé un sabot de Denver sur son automobile, Francis Lemelin a détraqué pendant 12 jours le système informatique de l'entreprise. Ce n'est là qu'une des multiples attaques auxquelles s'est livré le jeune pirate de l'informatique entre 2004 et 2008.

Lemelin, qui avait seulement 21 ans au début de cette série d'attaques, agissait comme mentor d'un réseau de pirates informatiques de toute la province. Pendant les trois ans et demi où il a sévi, Oiteck (son pseudonyme sur le Web) s'est amusé à contrôler 292 000 ordinateurs répartis dans 119 pays. En plus de faire tomber en panne ou de ralentir les ordinateurs, il a obtenu 2000 mots de passe et 500 numéros de carte de crédit.

Mis à part l'attaque contre la firme d'huissiers, qui relevait de la vengeance, il a toujours agi pour le plaisir et le défi. Lors de son attaque la plus virulente - contre le fournisseur Sharktech, aux États-Unis -, il avait signalé qu'il lui avait fallu neuf heures pour «faire planter leur box».

Un jeu

«J'étais enfantin. Pour moi, c'était comme un jeu, c'était comme jouer au Xbox», a expliqué le jeune homme dans le cadre des plaidoiries sur la peine à lui infliger, qui se déroulaient cette semaine en Cour du Québec. Il a plaidé coupable à huit accusations en lien avec l'utilisation frauduleuse d'ordinateurs.

Le jeune homme, qui a maintenant 27 ans, a signalé qu'il purge déjà une peine bien sévère puisque, depuis son arrestation, en 2008, il lui est totalement interdit de toucher à un ordinateur ou même de se trouver dans un endroit où il y en a. Cela ne lui laisse plus beaucoup d'endroits à fréquenter. Auparavant, il avait lui-même 19 ordinateurs chez lui, et l'informatique était le centre de sa vie.

Lors de son arrestation, il avait un bon job d'analyste de sécurité dans une entreprise. Il a été contraint de changer complètement d'orientation. «On m'a enlevé le droit de travailler en informatique», a-t-il dit. Il lave maintenant des vitres à 16,95$ l'heure.

Prison ferme

Le procureur de la Couronne, Pierre Goulet, recommandait une peine de prison ferme de deux ans, tandis que l'avocat de l'accusé, Me Clemente Monterosso, estimait qu'une peine à purger dans la collectivité était suffisante. Outre les facteurs atténuants, Me Monterosso a fait ressortir que Lemelin avait vécu une enfance difficile.

Mais voilà, compte tenu des circonstances et de l'ampleur des dommages, estimés à 29 millions de dollars pour remettre en état les 292 000 ordinateurs, le magistrat a opté pour la prison ferme, suivie d'une probation de trois ans. Ce qui ferait cinq ans de plus sans ordinateur pour Lemelin, a calculé le juge Jean-B. Falardeau, qui voulait en même temps envoyer un message clair aux internautes tentés de l'imiter.

Il est à noter que Lemelin, qui aurait pu se servir des cartes de crédit et des mots de passe pour se procurer de l'argent, ne l'a pas fait. En fait, seules une fraude de 2000$ ainsi qu'une tentative de fraude lui étaient reprochées. Les autres accusés du réseau qui ont plaidé coupable jusqu'à présent ont écopé pour la plupart de peines à purger dans la communauté.