Il peut être désespérant de voir son fils marcher dans ses traces.

Lui-même condamné pour un double meurtre commis à Sainte-Adèle en 1993, Michel Barbeau espère que l'aîné de ses 12 enfants, Benjamin, sera innocenté du double meurtre pour lequel il sera jugé à Montréal à partir d'aujourd'hui.

Âgé de 33 ans, Benjamin Hudon-Barbeau est accusé du meurtre non prémédité de Jean-Patrick Fleury, 28 ans, et Vladimir Nicolas, 31 ans. Dans la nuit du 24 octobre 2006, ils ont été criblés de balles alors qu'ils tentaient de fuir par l'escalier de secours du bar Upperclub, boulevard Saint-Laurent, au centre-ville de Montréal.

Quelques minutes plus tôt, une querelle avait éclaté dans la section VIP du bar, où se trouvaient les victimes. Selon les conclusions de l'enquête, il y aurait eu plus d'un tireur. Seul Hudon-Barbeau a été arrêté, huit mois après les faits. Il est détenu depuis.

Le jeune homme a toujours clamé son innocence, et son père le croit. Chose rare, il ne sera pas jugé devant jury. Le juge Jean-Guy Boilard, de la Cour supérieure, entendra l'affaire seul.

Un livre pour «réveiller» l'opinion publique

L'enquête préliminaire de Benjamin Hudon-Barbeau a été d'une longueur inouïe. Elle s'est déroulée par à-coups au cours d'une période de 22 mois. L'exercice était frappé d'un interdit de publication et s'est parfois fait à huis clos, si bien que les médias n'en ont pour ainsi dire pas parlé.

Peu habitué aux rouages des tribunaux et de la presse, Barbeau père était désespéré par ce silence. L'homme de 53 ans a donc décidé de «réveiller» l'opinion publique au moyen d'un livre qu'il a publié à compte d'auteur. Dans Coupable d'être innocent -L'affaire Benjamin Hudon-Barbeau, il relate principalement des passages de sa vie hautement tumultueuse, entrecoupés de cours textes reflétant des pensées qu'il attribue à son fils.

On trouve dans cet étrange bouquin des détails parfois bien scabreux, comme la description des deux meurtres de Sainte-Adèle. Deux hommes avaient été abattus parce que Michel Barbeau, qui faisait du trafic de drogue, les soupçonnait de l'avoir volé. Il n'a pas tiré lui-même, mais il a aidé son complice à dépecer les corps pour les enterrer.

Au terme de son procès, en 1995, Barbeau père a été condamné à la prison à perpétuité pour meurtres prémédités. Il a obtenu un nouveau procès en Cour d'appel mais a réglé le tout en 1999, en plaidant coupable à deux accusations d'homicide involontaire.

Il a écopé de trois ans de prison, qui s'ajoutaient au temps déjà purgé. Il vit aujourd'hui dans la région de Trois-Rivières et vient à Montréal en autocar pour assister aux audiences de son fils. Ce dernier est défendu par Me Pierre Poupart, avocat de grande expérience.

«Je ne demande pas que mon fils soit libéré à tout prix. Qu'il soit déclaré coupable s'il est impliqué... mais qu'il soit innocenté si ce n'est pas le cas. Ce que je demande n'est rien d'autre que la justice», écrit Barbeau dans la préface de son livre.

Ce sera maintenant au juge Boilard de voir où se trouve cette vérité.