Alors que la mafia montréalaise est secouée par une série d'attentats meurtriers, Moreno Gallo, tueur lié au clan Rizzuto, s'est vu refuser sa libération totale pour des raisons de «sécurité». Le principal intéressé assure qu'il n'a rien à craindre puisqu'il a coupé les ponts avec ses vieux amis.

Gallo, 65 ans, s'est présenté à son audience hier devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), entouré de sa famille, l'air décontracté. Détenu en maison de transition depuis six mois, il voulait pouvoir retourner vivre à temps plein avec sa femme dans leur résidence de Laval.

Les commissaires ont refusé sa demande, se disant «préoccupés» par «le contexte difficile» qui prévaut au sein de la mafia montréalaise, alors que plusieurs «amis» de Moreno Gallo ont été tués ou enlevés ces derniers mois.

Gallo a tenté de les convaincre que leurs craintes n'étaient pas fondées. «Les gens du crime organisé savent que je ne suis pas impliqué dans le crime organisé. Ça ne m'inquiète pas», a-t-il dit. L'homme qui dégage beaucoup d'assurance a même fait rire les commissaires en ajoutant: «Si des gens ne m'aiment pas parce que je ne fais pas de la bonne pizza, ce n'est pas mon problème.»

L'homme de 65 ans exploite une boulangerie dans la Petite Italie avec sa femme depuis des années. «Si je vois une face connue entrer dans mon commerce, je vais sortir par la porte de derrière et je vais prendre une marche dans le marché Jean-Talon jusqu'à ce qu'elle soit partie», a-t-il ajouté, reprenant son sérieux.

«À la dernière audience, vous vous êtes décrit comme un négociateur de solutions, un médiateur auprès des membres du crime organisé. Comment pouvons-nous être certains que vous ne vous impliquerez plus?» ont insisté les commissaires. Gallo a répondu qu'il ne répéterait pas les «erreurs» du passé.

Son agente de probation, qui recommandait sa libération totale, l'a décrit comme un détenu modèle, qui fait preuve de transparence et qui est déterminé à rompre avec son passé. Les commissaires ne doutent pas de sa transparence. Ils jugent toutefois sa libération totale «préméditée» dans le contexte d'instabilité de la pègre. Ils ont donc coupé la poire en deux: Gallo pourra retourner vivre chez lui cinq jours par semaine et passer les deux derniers jours de la semaine en maison de transition.

En 1974, Gallo a été condamné à la prison à vie après avoir plaidé coupable à une accusation de meurtre. Il avait abattu de trois balles un trafiquant de drogue, dans le Vieux-Montréal. L'homme d'origine calabraise a toujours soutenu qu'il voulait simplement intimider cet individu parce qu'il vendait de la drogue à l'école que fréquentait sa soeur. Aux yeux de la poursuite, il s'agissait plutôt d'un règlement de comptes commandité par le clan calabrais des Cotroni.

Gallo a obtenu sa libération conditionnelle en 1984. Pendant les cinq ans qu'a duré l'enquête antimafia Colisée, entre 2001 et 2006, il a été vu 72 fois au Café Consenza, quartier général du clan sicilien. Il a été filmé dans un petit local à l'arrière, en grande discussion avec les pontes de la famille Rizzuto. Gallo n'a jamais été accusé dans ce contexte, mais sa libération conditionnelle a été révoquée en 2007 en raison de ses «agissements douteux» et il a été réincarcéré.

Gallo, qui n'est pas citoyen canadien, fait face à un ordre de renvoi vers l'Italie, qu'il entend contester devant la Cour fédérale le mois prochain. Sa femme s'est d'ailleurs engagée à verser l'imposante caution de 100 000$ en échange de sa libération.

Le clan Rizzuto est secoué par une série d'attentats meurtriers depuis un an. La dernière victime en date, Ennio Bruni, 36 ans, collecteur de fonds pour la famille Rizzuto, a été abattue la semaine dernière en sortant d'un café italien de Laval. Federico Del Peschio, proche associé de Rizzuto, Nick Rizzuto fils et Agostino Cuntrera, proche du patriarche Niccolo Rizzuto, ont également été assassinés. Quant au beau-frère de Vito, Paolo Renda, il a disparu en juin dernier.