La Cour supérieure de l'Ontario a invalidé des articles importants des lois canadiennes en matière de prostitution, estimant qu'ils contribuent à mettre en danger les travailleuses du sexe.

Terri-Jean Bedford et deux autres travailleuses du sexe avaient demandé à la Cour supérieure de se pencher sur les dispositions du Code criminel relatives à la prostitution.

«Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse aujourd'hui car j'ai été très très lontemps victime d'abus de la part du système de justice», a commenté Mme Bedford.

Le «Bondage Bungalow» de Mme Bedford, situé au nord de Toronto, avait été l'objet d'une perquisition de la police en 1994; elle a été reconnue coupable en 1998 d'avoir tenu une maison de débauche.

Mme Bedford et deux autres travailleuses du sexe plaidaient que l'interdiction d'exploiter une maison close, de faire de la sollicitation pour de la prostitution et de vivre des fruits de leur métier les forçait à quitter l'environnement sécuritaire de leur maison pour faire face à la violence de la rue.

Les femmes demandaient à la cour d'invalider les restrictions de la loi sur leurs activités, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, qui garantissent la sécurité de la personne et la liberté d'expression.

La prostitution comme telle n'est pas illégale au Canada, mais presque tout ce qui est relié l'est - une situation qu'un juge de la Cour suprême du Canada a déjà qualifiée de «bizarre».

La cour a invalidé trois articles qui criminalisent la plupart des aspects de la prostitution. «Ces lois, prises individuellement ou dans leur ensemble, forcent les prostituées à choisir entre leur liberté et leur droit à la sécurité tel que garanti par la Charte», a écrit la juge Susan Himel dans sa décision.

«C'est comme un jour d'émancipation pour les travailleuses du sexe», a soutenu Mme Bedford.

Le jugement est sujet à une période de 30 jours durant laquelle les articles de la loi demeurent valides, et l'avocat de Mme Bedford a indiqué que le gouvernement fédéral pouvait réclamer une extension de cette période.

Le gouvernement fédéral a plaidé que la prostitution est en soi dangereuse, peu importe l'endroit où elle est pratiquée. Il a également soutenu que le Canada pourrait devenir une destination pour le tourisme sexuel si les activités liées à la prostitution étaient décriminalisées.

Le gouvernement conservateur a rapidement signalé mardi «envisager sérieusement» de faire appel.

«Nous nous battrons pour veiller à ce que le droit pénal continue d'enrayer les torts considérables causés par la prostitution aux collectivités et aux prostituées elles-mêmes, ainsi qu'aux autres personnes vulnérables», a fait savoir par communiqué le ministre de la Justice Rob Nicholson.