La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a saisi pour 64 millions de dollars de produits contrefaits de 2005 à 2008, révèle un rapport préparé par la division des renseignements criminels. Le peu de ressources d'enquête consacrées à ce type de criminalité et la «légèreté» des peines fait croire au corps policier que la contrefaçon devrait augmenter et même poser une menace pour la santé des Canadiens au cours des prochaines années.

Le rapport, intitulé Projet Strider, a été rendu public il y a quelques jours. Il indique que la GRC a enquêté sur près de 1500 violations de la propriété intellectuelle de 2005 à 2008. Ce nombre représenterait toutefois une «infime» partie de la réalité.

«Les techniques de contrefaçon et de piratage se sont affinées au point où les policiers, les douaniers et les titulaires de droits d'auteur eux-mêmes ont beaucoup de difficulté à distinguer les produits authentiques des faux», explique le rapport.

Selon l'étude, les partenaires commerciaux du Canada et les spécialistes des questions de marques et de droits d'auteur critiquent sévèrement la législation canadienne en la matière.

«Ces critiques viennent du fait que les douaniers canadiens n'ont pas les pouvoirs d'office de cibler et de retenir les biens qu'ils soupçonnent d'être piratés ou contrefaits, que le Canada n'a pas corrigé l'inefficacité perçue des infractions aux marques de commerce inscrites dans le Code criminel, ni mis en oeuvre le traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d'auteur», dit le rapport.

La majorité des produits contrefaits proviennent et transitent par la Chine et les États-Unis. Le crime organisé se servirait notamment de la contrefaçon pour blanchir de l'argent.

Les biens les plus contrefaits au Canada seraient les vêtements et les accessoires qui imitent les marques griffées et de haute couture. Viennent ensuite les oeuvres audiovisuelles et littéraires piratées. Les piles, les téléphones cellulaires, les disjoncteurs, les bijoux, les jouets et les produits ménagers font partie des autres articles mentionnés dans le cadre du projet Strider.

La GRC est par ailleurs de plus en plus préoccupée par la contrefaçon de produits pharmaceutiques. Au cours des dernières années, le corps policier a enregistré des cas de médicaments contrefaits pour traiter les dysfonctions érectiles, le cancer, l'hypertension et des analgésiques. Une résidante de la Colombie-Britannique est d'ailleurs morte en 2006 à la suite d'un empoisonnement après avoir consommé de faux médicaments vendus sur le web. En 2005, une pharmacie ontarienne a également été prise à vendre des comprimés qui imitaient une marque légitime à des patients qui souffraient d'hypertension.

Difficile à saisir

Selon la GRC, il est difficile de saisir l'ampleur de ce phénomène, car le personnel médical et les coroners ne sont généralement pas formés pour rechercher la présence de médicaments contrefaits.

La publication de cette étude coïncide avec le dépôt récent du projet de loi C-32 pour moderniser la Loi sur le droit d'auteur. Le gouvernement du Canada l'a soumis aux Communes en juin dernier. Il vise à rendre illégal le piratage de la musique, des films, des séries télé, des logiciels et des jeux vidéo protégés par le droit d'auteur que l'on peut trouver sur le web.

Par ailleurs, il y a quelques semaines, La Presse a révélé, grâce à des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, que la protection des droits d'auteur était devenue un enjeu crucial dans la négociation d'une entente de libre-échange avec l'Union européenne. Pour la première fois depuis sa création il y a 20 ans, le Canada figure sur la liste noire du gouvernement américain des pays qui protègent mal les droits liés à la propriété intellectuelle.