Fusillade, violentes bagarres, vols de véhicules, agressions armées, voies de fait: la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec suspend pour trois mois le permis du bar Bourbon Street, de Sainte-Adèle, après avoir retenu pas moins de 140 infractions et plaintes contre le populaire bar des Laurentides depuis 2005.

La liste des infractions s'étire sur plusieurs pages dans la décision rendue jeudi par la RACJ.

Les représentants du bar et les procureurs de la Régie avaient donné leur aval au début du mois à une proposition commune qui prévoyait la suspension du permis d'alcool du bar pour une période de 90 jours et une réduction majeure de sa capacité d'accueil, qui passera de 3857 clients à 1478.

La sanction sera effective lorsque les policiers de Sainte-Adèle mettront l'alcool sous scellés, mais, curieusement, les responsables du bar ont pris les devants et cadenassé eux-mêmes la porte le 2 septembre. «On avait pris l'arrangement avec la police et la Régie ce jour-là (le 2 septembre), et je ne savais pas trop comment ça fonctionnait ensuite. Comme j'avais beaucoup de travaux à faire et que c'est une période plus tranquille, j'ai décidé de fermer le bar», a candidement expliqué hier la gérante de l'établissement, Diane Bundock.

Cette initiative a étonné la Régie. «La suspension s'applique à partir du moment où la police va mettre les scellés», a insisté le directeur des communications de la RACJ, Réjean Thériault.

Les policiers débordés

À la lecture de la décision de la Régie, on comprend que les autorités étaient régulièrement débordées par les dérapages qui survenaient au bar.

La majorité des problèmes éclataient dans les stationnements de l'établissement, qui pouvait accueillir près de 4000 fêtards les vendredis et les lundis.

Ce nombre pouvait grimper à 5000 certains soirs, ont dit les policiers. À l'heure de la fermeture, les stationnements ressemblaient parfois à un véritable ring de boxe. «Le 12 juin 2010, les policiers ont constaté une perte de contrôle de la part des portiers. Il y avait plusieurs milliers de clients sur les lieux et plusieurs bagarres en cours. Les policiers ont dû demander assistance à un autre corps de police pour reprendre le contrôle», peut-on lire dans la décision de la Régie.

Outre les nombreux vols de véhicule et les bagarres, le stationnement a aussi servi d'arène à plusieurs incidents violents. En 2005, un client a frappé un policier en plus de le menacer de mort.

Le 29 avril 2006, une violente algarade amorcée à l'intérieur du bar s'est terminée à coups de planche de bois et de bouteilles de bière dans le stationnement.

Le 19 juin 2007, une fusillade a éclaté devant l'entrée principale du bar. Un client avait alors déchargé un pistolet sur un groupe de jeunes. Par miracle, personne n'avait été blessé.

Tout récemment, dans la nuit du 10 août, un adolescent de 17 ans a tenté de tuer deux jeunes hommes au couteau.

À plusieurs reprises, les portiers ont rudoyé des clients. «Le 29 mai 2010, un groupe de portiers a tabassé à coups de genou, pieds et de poings un des clients qu'ils venaient d'expulser à la suite d'une bagarre à l'intérieur. La victime a dû être conduite à l'hôpital et les portiers n'ont pas collaboré avec les policiers», écrit la Régie.

Au fil des années, plusieurs résidants du secteur excédés et même la municipalité ont porté plainte contre le bar. Les autorités ont d'ailleurs accueilli avec soulagement la décision de la Régie. «C'est une grosse victoire pour les citoyens», a résumé le directeur de la police de Sainte-Adèle, Gary Moore, qui devait embaucher des effectifs supplémentaires les soirs de fête pour tenter de contenir les milliers de clients du bar.

La gérante du Bourbon Street assure de son côté que tous les efforts sont faits pour éviter les problèmes. «Nous dépensons 250 000$ par année en agents de sécurité», a souligné Diane Bundock. Une nouvelle administration gère le bar depuis un peu moins d'un an, précise-t-elle.

Mme Bundock estime que la diminution de la capacité de l'établissement réduira les risques de problèmes. «C'est dommage, ce qui s'est produit dans le passé, mais c'est quand même un bar, pas une église», a résumé la gérante.