Hier, quand la juge France Charbonneau a annoncé qu'elle réincarcérait Sylvain Gaudreau, plusieurs constables spéciaux le fixaient, prêts à intervenir au moindre petit soubresaut de sa part. Mais contrairement à ce qui s'est produit en Cour d'appel le 4 août dernier, l'homme de 47 ans a accueilli presque docilement la décision et a pris le chemin des cellules.

Gaudreau est accusé d'avoir agressé et blessé deux hommes dans une salle d'audience, le 4 août dernier, après avoir été débouté par la Cour d'appel dans un litige civil. Il était presque 18h, et aucun constable spécial n'était dans la salle. Le juge François Doyon venait de rendre jugement contre Gaudreau. Selon la preuve, ce dernier s'est alors rué en vociférant sur ses opposants, Robin Doak et Maurice Tétreault, qu'il a gravement blessés. Accusé de voies de fait armées (avec un stylo), il avait réussi à obtenir sa liberté sous cautionnement, à la grande déconvenue de la Couronne, qui a demandé révision de cette décision à la Cour supérieure, avec succès.

Hier, la juge Charbonneau a conclu, comme le procureur de la Couronne Pierre Labrie l'avait fait valoir, que l'impulsivité et l'agressivité de Gaudreau faisaient de lui un homme dangereux et que son incarcération s'imposait en attendant son procès. Selon elle, le juge de première instance n'a pas évalué correctement la situation quand il l'a libéré, notamment parce qu'il lui manquait des données. Le juge n'avait pas entendu l'enregistrement (presque terrifiant) de l'incident en Cour d'appel. Par ailleurs, outre deux causes en cours pour conduite avec facultés affaiblies, Gaudreau a plusieurs antécédents judiciaires de voies de fait, même si cela remonte à plusieurs années. Également à son désavantage, devant le juge de première instance, il a fait valoir qu'il abandonnait son litige civil. Une fois libéré, il a changé de discours et a promis de poursuivre son combat. Les 20 et 23 août, il est d'ailleurs allé manifester devant la Cour d'appel et le palais de justice, avec son camion placardé d'affiches dénigrant le système de justice.

Blessures graves

La gravité des blessures des victimes entre aussi en ligne de compte. Selon la preuve, Gaudreau se serait mis à cheval sur M. Doak pour le frapper à coups de poing au visage et à la tête. Un mois et demi plus tard, M. Doak en ressent encore les séquelles. Au début septembre, il a dû subir une intervention chirurgicale (pose d'un drain au cerveau) et pourrait en subir d'autres à l'avenir. M. Tétreault, à qui Gaudreau aurait enfoncé un pouce dans un oeil, doit être suivi en ophtalmologie.

En défense, Gaudreau avait attribué son comportement en grande partie aux médicaments qu'il prenait pour soigner son hépatite C. Il a cessé de les prendre depuis. Il se disait aussi disposé à suivre une thérapie pour gérer sa colère. Mais cela n'a pas fait le poids.

Signalons enfin que le litige civil de Gaudreau, qui s'étire depuis huit ans, a trait à son éviction d'une maison de Sainte-Adèle que sa conjointe louait avec option d'achat. Elle n'a jamais eu l'argent pour acheter. Même s'il perdait ses causes, Gaudreau n'a jamais lâché le morceau. Il a fini par quitter la maison (complètement saccagée), mais il y a laissé des affaires. Le jugement qu'il contestait en Cour d'appel, le 4 août dernier, lui donnait 20 jours pour ramasser ses effets, y compris des piles de vieux matelas.