Même si elle n'a jamais été mariée avec la mère de l'enfant et n'a aucun lien légal avec ce dernier, une ex-conjointe de fait pourra continuer d'avoir la garde partagée. N'en déplaise à la mère, c'est l'intérêt du garçon qui compte, a statué la Cour d'appel du Québec dans un jugement rendu le 1er septembre.

Le plus haut tribunal de la province a ainsi confirmé un jugement que la Cour supérieure a rendu en août 2009 à Montréal. Le juge Jean-Pierre Sénécal avait alors accordé la garde partagée à temps égal aux deux ex-conjointes.

La décision de la Cour d'appel est «audacieuse», selon Alain Roy, professeur de droit de l'enfant et de la famille à l'Université de Montréal. À son avis, elle accorde un statut «quasi parental» à la conjointe de fait qui n'a aucun statut légal vis-à-vis l'enfant, mais qui s'est investie auprès de lui.

L'affaire a commencé en 2002, lorsque l'enfant est né. Sa mère vivait depuis peu avec sa conjointe. La naissance n'était pas un projet commun et l'ex-conjointe n'a jamais eu de lien légal avec le garçon.

Elle en a toutefois soin comme s'il était le sien. «La preuve est (...) claire que, dans les faits, l'enfant a deux «mères» qui se sont occupées de lui depuis sa naissance», peut-on lire dans le jugement de première instance. Le père biologique, qui vivait dans une autre province, est mort du cancer.

En août 2004, le couple s'est séparé, mais avec l'accord de la mère, l'ex-conjointe a assumé une garde partagée à partir de la fin de 2005. Bien que la loi ne lui impose pas, elle s'est engagée à fournir une contribution parentale.

Cette entente a pris fin à l'été 2008, lorsque la mère a décidé d'y mettre un terme. L'enfant avait alors 6 ans. Consciente que son fils avait besoin de son ex, la mère lui a offert un droit d'accès un week-end sur deux.

Jugeant cette période insuffisante, l'ex-conjointe s'est adressée à la Cour supérieure, qui lui a donné raison. Le juge a rétabli la garde partagée pour «l'intérêt de l'enfant», qui a développé un lien étroit avec elle.

«La mesure de garde ne doit (...) pas être fonction du statut des parties, mais des besoins de l'enfant», a tranché le juge de la Cour supérieure, Jean-Pierre Sénécal.

Son homologue de la Cour d'appel, Paul Vézina, lui a donné raison. Il a toutefois rappelé que seule la mère biologique est titulaire de l'autorité parentale.

Selon Alain Roy, de l'Université de Montréal, plusieurs conjoints de fait pourraient se baser sur ce jugement dans le futur. «On est en train de créer un concept qui n'existe pas dans le Code civil», dit-il, précisant que l'orientation sexuelle du couple est secondaire dans le débat.

Il explique que, en vertu de la loi, un ex-époux peut réclamer la garde partagée d'un enfant s'il est engagé sur le plan parental et si la place du deuxième parent est vacante. Or, ce droit n'existe pas pour les conjoints de fait.

Selon Alain Roy, le jugement de la Cour d'appel «ouvre subtilement» la porte à la question du versement d'une pension alimentaire pour les conjoints de fait. En effet, le magistrat écrit: «Si l'enfant a besoin de la présence et de l'affection de ses deux parents, il a aussi droit à ce que les deux contribuent à lui fournir tout ce dont il a besoin.»