Même s'il s'est reconnu coupable de gangstérisme et de trafic de crack, le chef des Outlaws, Roy Haynes Jr., a recouvré la liberté provisoirement, hier, après deux ans passés en détention. Ses lieutenants, eux, sont restés derrière les barreaux.

C'est tout un revers pour la Couronne. Le juge Jean-Pierre Boyer a souligné que l'accusé de 34 ans ne bénéficiait plus de la présomption d'innocence puisqu'il avait plaidé coupable à des accusations «sérieuses». Mais, du même souffle, le magistrat a blâmé la poursuite pour avoir agi de «mauvaise foi».

C'est pourquoi il a décidé d'annuler l'ordonnance de détention provisoire rendue par un autre juge il y a deux ans. Haynes, alias Capone, qui a des antécédents violents, est ainsi libre comme l'air d'ici à la fin du processus.

«Il n'y a rien d'illogique entre le fait de remettre en liberté un individu qui ne bénéficie plus de la présomption d'innocence et celui de lui imposer une peine d'incarcération», a souligné le juge Boyer.

Le procès de Haynes, arrêté en mai 2008 dans le cadre de l'enquête Satellites, a commencé en mars dernier. Au cours du procès, les avocats de la défense ont présenté des requêtes en exclusion de preuve, qui ont été accueillies. Dans la foulée de l'une de ces requêtes, Haynes a été acquitté de l'accusation de possession d'une arme prohibée chargée. La Couronne a alors annoncé son intention d'interjeter appel de cette décision. Les accusations de trafic de stupéfiants, gangstérisme et complot sont restées.

En mai dernier, après des négociations, Haynes et trois coaccusés, Jason Fraser, Randall Riley et Keith Samuels, ont plaidé coupable à ces accusations. Or, peu avant les plaidoiries sur la peine, l'avocat de Haynes, Me Claude Olivier, a reçu l'avis d'appel. Il était pourtant convaincu que la Couronne avait laissé tomber son intention d'interjeter appel sur cet acquittement après leurs âpres négociations. Le magistrat lui a donné raison, hier. Il a qualifié de «troublante» la conduite des procureurs, Mes Nathalie Brissette et Gianni Cuffaro.

«La Couronne a été de mauvaise foi, a dit Me Olivier à sa sortie du tribunal. Si ça avait été la défense qui en avait passé une petite vite à la Couronne, cette dernière aurait agi de la même façon que nous.» Me Olivier n'entend d'ailleurs pas en rester là. Il a déposé une requête en arrêt de procédure qui sera entendue en octobre. Le juge Boyer a estimé qu'elle n'est «pas futile».

Les trois coaccusés de Haynes s'étaient joints à la requête de mise en liberté, espérant sauter dans le même train que lui. Or, comme l'avis d'appel ne s'appliquait pas à eux, le magistrat a rejeté leur demande.

Dans l'enquête qui a mené à l'arrestation de Haynes, la division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal n'avait pas lésiné sur les moyens: écoute électronique, surveillance par caméra, agents doubles, nombreuses perquisitions... Sur l'une des vidéos, on voit Haynes transformer la cocaïne en crack. Le réseau de trafiquants écoulait de 1 à 2 kg de cocaïne et de crack par mois dans le sud-ouest de la ville. Vu la gravité de ses crimes, Haynes s'expose à une peine de 10 à 13 ans de prison.

Roy Haynes Jr. retournera en cour le 6 octobre. D'ici là, il n'aura pas le droit de mettre les pieds à Montréal, sauf pour voir son avocat, a décidé le juge Boyer. Le trafiquant ira vivre chez deux de ses soeurs à Brossard. Ces dernières ont contracté une hypothèque judiciaire de 75 000$ pour lui permettre d'être libéré. Il n'aura pas le droit de posséder d'armes ni de passeport. Il devra respecter un couvre-feu et ne pas quitter le Québec.