Les pédophiles canadiens sont de plus en plus nombreux à demander et à obtenir le pardon judiciaire. Cette année, plus de 100 pédophiles l'ont obtenu, a appris La Presse. La nouvelle loi fédérale devrait toutefois mettre un frein à ce phénomène.

Entre le 1er janvier et le 10 juin dernier, 117 pédophiles ont envoyé une demande de pardon complète à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), selon les statistiques obtenues grâce à la loi sur l'accès à l'information.

La CNLC traite de plus en plus de dossiers du genre depuis quelques années. En 2000, 34 pédophiles ont demandé pardon. Ce nombre est passé à 68 en 2003, puis à 117 en 2006. En 2008 - année record - la Commission a traité pas moins de 639 dossiers (ce chiffre comprend toutefois des demandes reçues en 2007).

Comment expliquer cette hausse fulgurante ?

Selon la directrice des communications de la Commission, Caroline Douglas, de plus en plus d'employeurs font des vérifications sur les antécédents judiciaires de leurs futurs employés. De plus, des entreprises privées qui remplissent les formulaires pour les ex-détenus font maintenant du marketing.

«Le nombre total de demandes de pardon (tous crimes confondus) est généralement à la hausse depuis quelques années», explique Mme Douglas.

Pardon quasi automatique

Depuis 10 ans, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé le pardon à la vaste majorité des pédophiles qui en ont fait la demande, selon les données obtenues par La Presse. Des 1851 demandes, 1809 ont été accueillies.

Ce faible taux de refus n'a rien d'anormal, assure Caroline Douglas.

En général, seuls les criminels admissibles au pardon prennent la peine d'en faire la demande, souligne-t-elle. Jusqu'à tout récemment, les délinquants devaient essentiellement avoir eu une bonne conduite pendant cinq ans pour être admissibles.

«S'ils respectaient les critères, les commissaires devaient leur accorder le pardon», explique Mme Douglas. La nature de l'accusation n'était donc pas prise en compte.

Nouvelle loi

Depuis quelques jours, toutefois, le pardon judiciaire n'est plus aussi facile à obtenir. En vigueur depuis le 30 juin, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels accorde un pouvoir discrétionnaire aux commissaires, explique le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu.

«Avant, le pardon était accordé comme un automatisme, mais maintenant, la Commission peut étudier les demandes, explique M. Boisvenu. Elle a le pouvoir de refuser un pardon si elle considère que l'administration de la justice en serait discréditée.» La nouvelle loi prolonge également la période d'attente de 5 à 10 ans pour les crimes graves ou à caractère sexuel.

Pierre-Hugues Boisvenu se réjouit de l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, mais, à ses yeux, elles sont encore insuffisantes. À la base, le projet de loi C-23 proposait de retirer aux récidivistes et aux pédophiles le droit au pardon. Le gouvernement conservateur entend revenir à la charge avec un autre projet de loi à l'automne.

«Les prédateurs sexuels récidivent beaucoup plus lorsqu'ils ne se sentent plus surveillés ou contrôlés, souligne le nouveau sénateur. Ça m'inquiète qu'on donne des pardons à des prédateurs sexuels qui ont commis deux, trois, quatre crimes.»

- Avec la collaboration de  William Leclerc