Tout le monde rit de bon coeur dans la Pontiac Sunfire, en cette nuit du 12 juin 2008. Stephen Masciotra, 18 ans, est assis dans la fenêtre avant, côté passager, jambes et tête à l'extérieur, pendant que la voiture de son meilleur ami, Pascal Amin Di Palma, 19 ans, circule à basse vitesse dans le quartier Saint-Michel.

Soudain, l'amusement vire à la catastrophe.

Stephen n'est plus là! Coup d'oeil dans le rétroviseur. Il gît dans la rue, ensanglanté! Vite, on appelle le 911. Cette nuit-là, Stephen s'est blessé très grièvement à la tête, ce qui l'a plongé dans le coma pendant plus d'un mois, a nécessité des interventions chirurgicales et lui a laissé de graves séquelles.

«Stephen est plus lent, il n'est plus comme avant, mentalement et physiquement», a sangloté son père, Michel Masciotra, hier, au procès de celui qui était auparavant le meilleur ami de son fils. Di Palma est accusé de négligence criminelle et de conduite dangereuse ayant causé des lésions.

Assis de part et d'autre de la salle d'audience, les deux ex-meilleurs amis se regardent aujourd'hui en chiens de faïence. Leurs versions ne concordent pas. Stephen affirme que c'est Pascal qui l'a coincé dans la fenêtre en lui agrippant les mains et qu'il l'a «traîné.» Quand la voiture a freiné, il est tombé. De son côté, Pascal soutient que Stephen s'amusait à se tenir dans la fenêtre de la voiture pendant qu'il roulait «à 3 ou 5 ou 10 km/h», et qu'il a «sauté» volontairement, sans crier gare.

Trois versions

Le procureur de la Couronne, Pierre Garon, est d'avis que la version de Stephen devrait être écartée et que celle de Pascal est mensongère à plusieurs égards. Il a invité le juge Claude Millette à considérer plutôt la version donnée par le troisième jeune homme qui se trouvait dans la voiture cette nuit-là, David Bernoni. Cousin de Stephen, David était assis sur la banquette arrière.

L'incident a commencé dans le stationnement de TELUS, dans le quartier Saint-Michel, où la voiture de Pascal était garée. Les jeunes avaient passé la fin de soirée dans un café à jouer au baby-foot, sans consommer ni drogue ni alcool, assurent-ils tous les trois. Ils ont discuté dans le stationnement avant de rentrer chacun chez soi. Ils faisaient des blagues. Stephen entrait dans la voiture de Pascal et en ressortait par la fenêtre du côté passager, parce que la porte ne s'ouvrait plus depuis trois semaines à la suite d'un accident.

Selon le souvenir de David, à un certain moment, Stephen s'est assis sur le rebord de la fenêtre, jambes et tête à l'extérieur, mais tout le reste du corps à l'intérieur de la voiture. Il se tenait avec ses mains aux montants de la portière. Dans le stationnement, Pascal s'est mis à rouler lentement, en décrivant des cercles, tout en tenant Stephen par la ceinture, pendant un petit moment. Tout le monde riait. Puis, «pour agacer un peu» Stephen, Pascal est sorti du stationnement et s'est mis à rouler dans la rue, lentement, à 20 ou 30 km/h selon David. Après avoir franchi quelques mètres, ils ont réalisé que Stephen n'était plus dans la fenêtre.

«C'est comme si Stephen avait sauté. Je me suis dit: ah, pourquoi il a sauté? On a vu dans le miroir qu'il était tombé», a expliqué David hier. Pascal et lui ont appelé le 911 avec leurs téléphones portables.

La policière Stéphanie Dufresne se souvient que Pascal était nerveux lorsqu'elle est arrivée sur les lieux et qu'il s'informait sans arrêt de son ami, qui venait de partir en ambulance. Elle affirme l'avoir entendu dire à un homme qui est arrivé sur les entrefaites (son oncle): «Il m'a dit: «Arrête, Pascal», et j'ai pas arrêté. Je voulais jamais que ça arrive. C'est mieux de dire la vérité. Je veux juste savoir s'il est correct.»

Un policier technicien en scènes d'accidents est venu dire hier qu'il n'avait rien pu reconstituer, car à son arrivée, il n'y avait qu'une voiture arrêtée, une tache de sang à environ 30 pieds et aucune trace de freinage. Impossible d'évaluer la vitesse ni ce qui s'était passé, a-t-il dit.

Crime ou accident?

Me Jean Chalifoux, qui défend l'accusé, soutient que ce dernier n'a commis aucun crime, car il roulait lentement et n'a pas fait de manoeuvre brusque. «On ne peut pas reprocher à un chauffeur le fait qu'un passager se soit éjecté. C'est le passager qui était imprévisible», a-t-il dit.

Me Garon ne croit pas que Stephen ait sauté. De toute façon, le chauffeur a une obligation différente du passager, a-t-il dit. Il croit que l'accusé devrait être reconnu coupable à tout le moins de conduite dangereuse ayant causé des blessures. Le juge Millette rendra sa décision lundi.