Interpellée par l'avocat Claude Olivier, l'Association des avocats de la défense de Montréal (AADM) a l'intention de monter au créneau pour dénoncer la Couronne, qui, dans le dossier du gangster Roy Haynes Jr., interjette appel sur un chef d'accusation, bien que l'individu ait plaidé coupable après négociations.

«On veut intervenir sur l'importance de la parole donnée et des négociations de bonne foi. Les plaidoyers, c'est le quotidien, pour nous: 90% des causes ne vont pas à procès et se règlent par des plaidoyers. Autrement, on fera des procès sur tout...» a expliqué la présidente sortante de l'AADM, Me Debora De Thomasis, hier matin, au terme d'une audience explosive devant le juge Jean-Pierre Boyer au palais de justice de Montréal. Le magistrat a paru outré lui aussi.

 

«Vous venez devant moi, vous plaidez coupable, vous vous revirez de bord et vous allez en appel», s'est indigné le juge Boyer, en précisant qu'il avait fallu 40 jours pour parvenir à cette entente. Les procureurs de la Couronne Gianni Cuffaro et Nathalie Brissette ont tenté d'expliquer les circonstances de leur appel, mais ils se sont heurtés à un mur. «Si j'avais pu parler deux secondes à Me Olivier, on n'en serait pas là», a dit Me Cuffaro.

«Je ne suis pas intéressé à lui parler», a rétorqué Me Olivier, avocat de Haynes.

Arme chargée

Désigné par la Couronne comme le chef des Outlaws, un gang qui se livre à la vente de stupéfiants et à d'autres crimes dans le Sud-Ouest de Montréal, Haynes a commencé à avoir son procès en mars avec des coaccusés. Au cours du procès, les avocats de la défense ont présenté des requêtes en exclusion de preuve. Le 28 avril, dans la foulée de l'une de ces requêtes, Haynes a été acquitté de l'accusation de possession d'une arme chargée. La Couronne a annoncé de vive voix son intention d'interjeter appel de cette décision. Les autres accusations, notamment trafic de stupéfiants, complot et gangstérisme, sont restées. Le 18 mai dernier, après des négociations, Haynes et trois coaccusés, Jason Fraser, Randall Riley et Keith Samuels, ont plaidé coupable à diverses accusations. Les plaidoiries sur la peine ont été reportées à hier. Mais voilà, au cours de la semaine dernière, Me Olivier a reçu l'avis d'appel de la Couronne au sujet de l'accusation de possession d'arme chargée. Il n'a pas apprécié. Une telle accusation entraîne une peine minimale de cinq ans de prison, a fait valoir Me Olivier, hier. Ultimement, si la Cour d'appel décidait de renverser la décision du juge Boyer, Haynes se retrouverait avec une peine de cinq ans à purger, alors que son dossier aurait été réglé depuis belle lurette. Un non-sens aux yeux de Me Olivier et de l'Association des avocats de la défense.

Du coup, hier, les coaccusés de Haynes, qui ne sont pourtant pas concernés par cette accusation de possession d'arme, ont sauté dans le train. Ils n'étaient plus disposés à ce que ça procède pour eux. «On a été induits en erreur. Les conséquences touchent nos clients», a fait valoir Me Lloyd Fischler, qui représente d'autres accusés. Le juge Boyer a alors ajourné la séance jusqu'à demain.

Me Olivier ne sait pas s'il sera prêt, car il compte assigner des «avocats d'expérience» pour étayer son point de vue.