Cible de deux tentatives de meurtre depuis six ans, Richard Goodridge n'a perdu qu'un doigt jusqu'ici. Mais avec la vie de gangster qu'il mène, les policiers craignent qu'un nouvel attentat survienne au Club Temptation et ne mette en danger les gens qui pourraient s'y trouver.

«Il y a eu des attentats à sa vie dans des endroits publics. C'est de connaissance générale que Goodridge a le bar Temptation. C'est une place facile à trouver», a expliqué le sergent-détective expert en gangs de rue James Paxeo, hier, devant la Régie des alcools des courses et des jeux. L'audience visait à décider de l'avenir de ce bar de danseuses nues de la rue Sainte-Catherine Ouest, fermé d'urgence le 13 avril dernier à la demande des policiers. Ces derniers craignaient une riposte après un double meurtre survenu dans le clan rival de celui de Goodridge. Les gangs de rue ne sont pas parcimonieux en matière de règlements de comptes. Ils tirent, peu importe où et quand.

 

Le 4 novembre 2004, vers midi et demi, alors que sa Mercedes était arrêtée à un feu rouge dans un endroit très passant de Toronto, Goodridge a été la cible d'une fusillade. Atteint par une balle alors qu'il tentait lui-même de riposter avec une arme, il a perdu un bout de majeur. Son chauffeur, atteint au visage, a foncé sur deux piétons. Ces derniers ont été blessés légèrement, et le chauffeur a perdu la vue. Goodridge n'a pas collaboré avec la police pour identifier les agresseurs.

En octobre 2008, Goodridge a de nouveau été la cible de coups de feu alors qu'il sortait de son domicile de L'Île-des-Soeurs, en plein jour. Encore là, il n'a pas collaboré avec la police.

De la poudre qui peut exploser

Autrefois alliés dans le gang des 67, qu'ils avaient fondé en 1999, Goodridge et Ducarme Joseph sont aujourd'hui ennemis à la suite de scissions. Joseph est devenu chef d'un gang qui n'a plus de nom, tandis que Goodridge serait chef d'un autre gang, qui montre toujours des signes d'allégeance au 67. Une chose est certaine, les deux mènent grand train. Hier, il a beaucoup été question de voitures de luxe - Bentley, Hummer, Mercedes, Lamborghini, Corvette - appartenant à l'un ou à l'autre.

Goodridge et Joseph sont considérés comme des «OG» (original gangsters) dans le milieu, a encore expliqué M. Paxeo. À 40 ans révolus, porter des bandanas et se livrer aux petites activités de gang ne les intéresse plus trop. Ils poursuivent leurs activités criminelles par le truchement de leurs subalternes, mais ils s'installent aussi dans des «business légales», telle la boutique de vêtements Flawnego, qui a été le théâtre du double meurtre le 18 mars dernier, dans le Vieux-Montréal.

Les armes sont omniprésentes dans les deux clans. «Les temps ont changé, j'ai besoin de ça maintenant pour me défendre», a dit un membre de gang de rue quand la police l'a interpellé alors qu'il était armé.

Phénomène relativement nouveau: il arrive maintenant que des membres d'allégeance bleue et ceux d'allégeance rouge se mêlent et concluent des alliances, pour des questions de territoire et d'argent. «Mais c'est de la poudre qui peut exploser n'importe quand», a dit M. Paxeo.

Pour en revenir au Club Temptation, Goodridge chercherait actuellement un prête-nom pour remplacer Joseph Vallera. C'est du moins ce qu'une source aurait révélé à la police dans les derniers jours. La situation géographique du Temptation est parfaite pour Goodridge, qui veut contrôler le centre-ville, selon la police.

M. Vallera conteste la fermeture de son bar. Il fera valoir ses arguments à une date ultérieure, qui n'a pas été arrêtée hier.