Après le double meurtre survenu dans le Vieux-Montréal le 18 mars dernier, Richard Goodridge était très nerveux. Celui qui est décrit par les policiers comme le «propriétaire fantôme» du club Temptation a même loué un système d'écoute à oreillettes, comme en ont certains policiers, pour être en constante communication avec les portiers du bar.

C'est ce que le policier Yves Rousseau, du SPVM, a raconté hier alors qu'on débattait devant la Régie des alcools des courses et des jeux de l'avenir de ce club de danseuses nues. Mieux connu sous son ancien nom «Cabaret Château du sexe», l'établissement situé rue Sainte-Catherine Ouest a été fermé d'urgence le 14 avril dernier, à la demande du SPVM. Ceci parce qu'on craignait une riposte du clan de Ducarme Joseph, cible réelle mais ô combien chanceuse, de l'attentat qui a fait deux morts dans son commerce de vêtements de la rue Saint-Jacques, le 18 mars. Joseph aurait réussi à sortir par une autre porte quand les tueurs ont surgi. Deux de ses proches ont été abattus.

 

Autrefois alliés dans le gang des 67 qu'ils ont fondé à la fin des années 90, Ducarme Joseph et Richard Goodridge sont aujourd'hui des ennemis. Joseph est à la tête d'un redoutable gang qui ne porte plus de nom, tandis que Goodridge, 41 ans, s'est associé avec la mafia italienne et aurait aussi des liens avec les motards, croit la police.

Avec d'autres associés, Gooddrige chercherait actuellement à prendre le contrôle du centre-ville de Montréal. En janvier 2009, les policiers ont eu vent que Goodridge était sur le point d'acheter le Temptation. En novembre, une source a indiqué que c'était chose faite et que Goodridge avait versé 250 000$ pour ce faire. Information que Joseph Vallera, propriétaire depuis une dizaine d'années du fameux club de la rue Sainte-Catherine, nie absolument.

Pas de clients, mais des ennuis

Vallera, 60 ans, assiste à l'audience devant la Régie. L'homme, qui possède aussi un café italien rue Charland (qui a été la cible d'un cocktail Molotov lors de la vague d'attentats), voudrait bien que le Temptation rouvre, avec son permis.

Aux policiers qui sont allés lui parler depuis l'an dernier, Vallera a admis qu'il cherchait à vendre son club, car les affaires ne vont pas bien. Mais il a nié l'avoir vendu à Goodridge. Ce dernier était dans le décor, reconnaissait Vallera, mais il n'avait rien payé pour le club, il agissait simplement comme promoteur.

Par ailleurs, depuis que Goodridge était là, il n'apportait pas de clients, seulement des ennuis, ajoutait Vallera. Les policiers menaçaient de sévir si Goodridge restait dans le décor, que ce soit comme client ou employé. Vallera demandait un peu de temps pour que Goodridge parte.

Mais voilà, de nombreux indices colligés par la police démontrent que Goodridge est resté et qu'il était omniprésent et actif au club. Une visite des lieux lors de la mise des scellés en avril a démontré que Goodridge apparaissait sur beaucoup de photos dans un des bureaux, comme s'il était le véritable utilisateur de cet espace.

En contre-interrogatoire, Me Véronique Courtecuisse, qui représente Vallera, a fait admettre aux policiers qui ont défilé qu'il n'y avait pas de problème comme tel avec le Temptation. À titre d'exemple, il n'y a pas eu d'embauche de danseuses d'âge mineur et il n'y a pas eu de plainte de voisins.

L'audience se poursuit aujourd'hui.