Deux jeunes hommes dans la vingtaine qui ont rossé un quadragénaire lors d'une querelle pour une place de stationnement, en 2003, devront payer pour aider la victime à vivre jusqu'à l'âge de la retraite. Avec les intérêts, la facture avoisinera sans doute le demi-million de dollars.

C'est ce qui se dégage d'un jugement rendu récemment à la Cour supérieure de Montréal, en matière civile. Le juge Daniel W. Payette a condamné Jason Viglione, 28 ans, et Anthony Bruna, 29 ans, à payer 363 398$ à Serge Mailloux. L'homme, qui était âgé de 45 ans au moment des événements, a eu une côte et un coude fracturés. Ces blessures l'ont laissé avec une limitation permanente légère de 2%, l'empêchant apparemment de soulever des charges de plus de 40 livres. Il a été recommandé qu'il ne fasse pas de mouvements répétitifs. Cela lui a fait perdre son emploi de chauffeur-livreur pour Alimplus. L'homme n'a apparemment pas réussi à se trouver un emploi avec des conditions équivalentes, c'est-à-dire un poste syndiqué avec des avantages sociaux. Il travaille à moindre salaire et reçoit des prestations de 1220$ par mois du programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC). Le juge a estimé que les agresseurs, qui étaient au début de la vingtaine lors des faits, devaient dédommager M. Mailloux pour les pertes de salaire subies et à venir.

 

Le magistrat condamne aussi les deux hommes, ainsi que leur ami Michael Angeli, à payer 15 000$ en dommages moraux à M. Mailloux. Ironiquement, c'est Angeli qui a mis le feu aux poudres, et c'est lui qui écope le moins.

Une place convoitée

Selon le récit du juge, dans l'après-midi du 5 janvier, M. Mailloux s'est rendu au Canadian Tire, angle Jean-Talon et Langelier, et s'est engagé dans une place de stationnement libre. Ce faisant, voyant que la place qui lui faisait face se libérait aussi, il s'y est engagé. Une autre voiture, celle-là conduite par Michael Angeli, s'y est introduite. Ce dernier a fait signe à M. Mailloux de reculer. M. Mailloux a fait signe qu'il reculait. Comme le juge le signale, «l'histoire aurait dû se terminer là». Mais ce n'est évidemment pas ce qui est arrivé.

En sortant de son véhicule, M. Mailloux a marmonné un commentaire à l'endroit de M. Angeli, signifiant qu'il devrait faire plus attention. Ce dernier a répliqué. M. Mailloux a poursuivi sa route vers le magasin, mais constatant que M. Angeli continuait à vociférer, il lui a fait un doigt d'honneur, puis a rebroussé chemin pour aller lui parler. Lorsqu'il est arrivé près de M. Angeli, ce dernier a frappé Mailloux avec une boîte. Les deux hommes se sont bousculés. Sur les entrefaites, deux amis d'Angeli, Viglione et Bruna, sont arrivés à leur tour dans le stationnement. Voyant la scène, ils ont volé au secours d'Angeli. Les deux gaillards (M. Viglione pèse 220 livres) ont frappé M. Mailloux, qui s'est écroulé. «Angeli n'a pas demandé à ses amis de rosser Mailloux ni même de l'aider. Ils ont agi de leur propre chef», précise le juge dans sa décision.

M. Mailloux s'en est tiré avec les blessures que l'on sait. Il a porté plainte et les trois hommes ont été accusés de voies de fait causant des blessures. L'affaire s'est conclue pour eux par un acquittement, en retour d'un engagement à garder la paix et le paiement d'une amende. Parallèlement, M. Mailloux a entrepris sa poursuite civile, qui a connu un tout autre dénouement. Le juge a d'ailleurs ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 30%, nonobstant une procédure d'appel. Cela signifie que les trois hommes doivent payer une partie des sommes même s'ils décident d'interjeter appel.

Me Saturnino G. Iadeluca, qui représente M. Viglione, n'a pas voulu indiquer s'il allait porter sa cause en appel, hier. C'est le client qui décide, a-t-il fait valoir.