La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a ordonné le renvoi vers l'Italie de Moreno Gallo en raison d'une ancienne condamnation pour meurtre et de ses liens avec le crime organisé. L'homme de 63 ans, qui réside au Canada depuis 56 ans, va contester cette mesure en Cour fédérale.

M. Gallo est considéré comme une figure dominante, mais discrète, de la mafia montréalaise - ce que nie le principal intéressé. De haute stature, vêtu d'un veston d'été de couleur pâle, il dégageait une calme assurance au cours de l'audience, jeudi. L'exercice n'a duré que quelques minutes. La commissaire Dianne Tordorf a résumé la situation et donné l'ordre d'expulsion. L'avocat qui représente M. Gallo, Me Stephen Fineberg, n'a pas discuté puisque ce n'était plus l'instance appropriée. Il doit s'adresser à la Cour fédérale pour demander la révision judiciaire de la décision. Son client reste en liberté en attendant. L'avocat a indiqué que M. Gallo respectait toutes les conditions qui lui avaient été imposées en avril dernier.

Pas de citoyenneté

Né en octobre 1945 en Calabre, M. Gallo est arrivé au Canada à l'âge de 8 ans. Il a le statut de résident permanent, mais n'a jamais demandé sa citoyenneté. C'est cette négligence qui le rattrape aujourd'hui.

En 1974, il a été condamné à la prison à vie après avoir plaidé coupable à une accusation de meurtre. Il avait abattu de trois balles un trafiquant de drogue, dans le Vieux-Montréal, en 1973. M. Gallo a toujours soutenu qu'il voulait simplement intimider cet individu parce qu'il vendait de la drogue à l'école que fréquentait sa soeur et qu'il l'avait tué parce qu'il avait craint pour sa propre vie. Le ministère public croit plutôt qu'il s'agissait d'un règlement de comptes commandité par le clan calabrais des Cotroni, qui était en force à ce moment.

Quoi qu'il en soit, dans la foulée de cette affaire, M. Gallo a été condamné à la prison à vie et a obtenu sa libération conditionnelle en 1984.

Pendant les deux décennies suivantes, il a officiellement vécu en toute tranquillité, c'est-à-dire qu'il n'a été accusé de rien. Mais pendant les cinq ans qu'a duré la gigantesque enquête antimafia Colisée, entre 2001 et 2006, M. Gallo a été vu 72 fois au Café Consenza, quartier général du clan sicilien. À plusieurs reprises, il a été filmé dans un petit local à l'arrière, en grande discussion avec les pontes de la famille Rizzuto. Des échanges d'argent se sont aussi produits.

Pas d'accusation, mais...

En novembre 2006, le projet Colisée a connu son aboutissement avec l'arrestation de plusieurs dizaines de personnes, dont les membres les plus influents de la mafia, comme le patriarche Nick Rizzuto. Même si M. Gallo n'a jamais été accusé dans ce contexte, sa liberté conditionnelle a été révoquée en 2007 en raison de ses «agissements douteux», et il a été réincarcéré.

M. Gallo admet seulement avoir réglé une dette qu'un individu avait contractée envers le clan Rizzuto et être intervenu occasionnellement pour aider des «amis d'enfance» liés à la pègre à régler des conflits.

M. Gallo a obtenu sa libération conditionnelle en avril dernier, mais il s'est fait épingler à sa sortie de prison par l'Agence des services frontaliers du Canada, qui veut l'expulser. Deux semaines plus tard, il a réussi à obtenir sa mise en liberté en échange d'une caution de 100 000$ et de la promesse de se plier à une foule de conditions, dont celle de demeurer en maison de transition. Le jour, il peut travailler à la boulangerie de sa femme.