Un couple qui se prétend souverain dans un État parallèle tente d'imposer ses propres règles dans le procès qu'on lui tient pour voies de fait graves. Outre les pieds de nez au décorum, Mario Antonacci et Sylvia Gibb multiplient les requêtes, dont une assignant le juge Jean-Paul Braun à comparaître dans leur logement de la rue Cadillac.

Le couple est assisté d'une poignée de supporteurs. Ces derniers se réclament du même mouvement, le Sovran Nations Embassy. L'idée générale de cet obscur mouvement est que ses membres échappent bien commodément à la juridiction des gouvernements que nous connaissons. Antonacci, 44 ans, se présente comme «juge en chef de la Cour tacite suprême» de Sovran Nations Embassy. Il se dit aussi ministre et ambassadeur, tout comme sa coaccusée, Sylvia Gibb, 31 ans. Sur le web, on trouve des traces de ce mouvement, qui tente de recruter des adeptes et de l'argent. De manière plus terre à terre, le ministère public reproche au couple d'avoir projeté violemment une quinquagénaire hors du logement qu'elle leur avait prêté, si bien que la bonne Samaritaine s'est fracturé le bassin et un poignet.

Le juge Braun s'est montré d'une extrême patience dans ce procès qui a commencé le 15 décembre dernier, et qui se poursuit par à-coups.

Mme Gibb disait ne pas se sentir bien à l'ouverture du procès. Le juge Braun lui a permis de suivre l'audience couchée par terre dans la salle, comme elle le demandait. Au cours de l'audience suivante, le 19 avril, les accusés et leurs supporteurs se plaisaient à rester assis quand il fallait se lever, et l'un d'eux tenait mordicus à rester debout, alors qu'il fallait s'asseoir. À un certain moment, le grabuge semblait poindre à l'horizon. Plusieurs constables spéciaux ont surgi. Le juge Braun a plutôt envoyé Antonacci dans le box des accusés, pour le calmer. Quand la tension a baissé, le juge a renvoyé l'accusé dans la salle. En ce qui concerne Mme Gibb, elle est partie pendant une pause, et n'est pas revenue.

Sera-t-elle là, aujourd'hui, alors que le procès doit se poursuivre? Antonacci devrait maintenant contre-interroger sa propre fille, Vanessa, qui a témoigné contre lui. Elle était présente lorsque la victime a été expulsée par la force d'un logement de la rue Montcalm. Antonacci n'a plus d'avocat, le sien s'étant retiré du dossier vu le manque de collaboration de son client. C'est Me Jacques Bélanger qui agit comme procureur de la Couronne.

«Ma vache, je me débarrasse de toi»

Les faits reprochés au couple sont survenus le 20 septembre 2007. La victime alléguée dans cette affaire, Jocelyne Malouf, 50 ans, a témoigné qu'elle avait connu Antonacci deux ans environ avant les faits, en lui confiant des travaux sur ordinateur. De fil en aiguille, elle est devenue amie avec le couple. À l'été 2007, apprenant que le couple s'était fait couper l'électricité dans un logement de la rue Cadillac, elle leur a offert d'aller demeurer dans un logement dont elle avait la garde, en l'absence des locataires habituels. Antonacci et Gibb se sont installés dans le logement en question, rue Montcalm. Mme Malouf, qui avait les clés, s'y rendait régulièrement pour vérifier la propreté des lieux et voir si tout allait bien. Les relations se sont manifestement détériorées, car le soir du 20 septembre 2007, Mme Malouf affirme que, au cours d'une visite au logement dans la soirée, Antonacci lui a dit : «Ma vache, je me débarrasse de toi.» La tenant fermement par les bras, il lui aurait fait dégringoler les escaliers, et l'aurait jetée violemment sur le trottoir. La femme, qui mesure 1 m 57 et pèse 50 kg, a été incapable de se relever. Un bon Samaritain a appelé l'ambulance, qui l'a transportée à l'hôpital Hôtel-Dieu. On lui a fait un plâtre à un bras, et on l'a obligée à sortir de l'hôpital le lendemain, malgré ses grandes souffrances, a-t-elle raconté.

Des amis ont alors amené Mme Malouf à l'hôpital de Granby. Elle a alors appris avec stupéfaction qu'elle avait aussi une fracture du bassin. Hospitalisée pendant deux mois, elle a porté plainte par la suite.